Il se tenait fier, droit, serrant la poignée de sa mallette magique, aux mille et un secrets. Le palais se dressait devant Pedro et jamais, il ne l'avait vu d'aussi près. Sur aucun écran ; n'avait jamais côtoyé une seule personne ayant foulé de ses pieds le sol royal. Il sera le premier. Quelques semaines auparavant, il n'aurait pu imaginer se trouver devant les portes dorées, le palais lui tendant les bras, l'accueillant en son sein réconfortant et flamboyant ; comme une douce caresse luxueuse que l'on veut encore, encore.

Un mail ; une prise de contact avec l'équipe événementielle du palais elle-même et une requête plutôt singulière. Pedro était invité à se présenter pour animer une dégustation de ses pâtisseries au palais royal lui-même. Depuis qu'il avait ouvert son café l'année dernière, sa réputation montait, les clients défilaient, les prix s'envolaient, tout comme le chiffre d'affaire pour son plus grand plaisir. Le cœur gonflé, le sang pulsant dans ses veines, l'américain sentait qu'en cet instant ; quelque chose d'important se jouait pour son avenir et qu'aujourd'hui, il ne devait encore moins se rater qu'un autre. L'habitude était ancrée : il en avait connu des entretiens d'embauche ratés, réussis, des concours foirés ou gagnés. Alors, l'émotion qui montait dans sa poitrine, il la discernait si bien, son amie ou son ennemie.

Pedro n'avait pas bien saisi en face de qui, il allait œuvrer en ce jour. Cela ne changeait rien et les enjeux restaient les mêmes : la reconnaissance du pouvoir, ou du moins de ses prismes et des sphères gravitants tout autour. On lui avait expliqué que plusieurs personnes allaient être présentes mais que l'événement restait réservé à un petit comité. Durant des semaines, le chef s'était penché sur un menu qui pourrait convenir à n'importe qui, aficionados comme débutant, amoureux du sucre ou réfractaire à cette poudre. Les ingrédients avaient soigneusement été choisi par ses soins, jamais il ne pourrait laisser quelqu'un s'en charger, surtout dans ces conditions, et l'attendait au palais. Les pâtisseries les plus compliquées à préparer, tant en heure de travail ou d'attente, avaient déjà été livrées, pour lui faciliter le travail. Face à son public, il ne ferait que des petites recettes simples pour montrer un savoir-faire et sa gestuelle propre. L'entrée franchie, la cour se dressait devant et il vit arriver un homme relativement petit, qui le guida jusqu'à un long couloir où il s'assit. Que les festivités commencent.

La tête levée, les idées dans les nuages, Pedro appréciait la beauté de sa place : les moulures du plafond reflétaient la luxure d’un tel lieu. Gorgé d’histoire et de fastes, le marbre du palais le galvanisait ; lui et son amour pour l’argent. Il savait aimer et contemplait, sans être aveuglé par son avide excès, bougeant sur son siège au coussin rouge royal rebondi. De ce long couloir, il discernait au loin des éclats de voix, la vie du palais et savait assurément qu’en-dessous de ses pieds, ou dans les murs voisins, la vie bouillonnait ; tout du moins, il en était sûr pour les cuisines royales, bien qu’il ne les ait jamais côtoyés, grâce à son expérience dans des lieux semblables à travers le monde. Il commençait à gigoter sur son siège, l’impatience le gagnait. Sa contemplation d’un tel lieu ne suffisait plus à l’occuper et ses pensées se tournaient vers sa présence ici. Pedro sentait que cette ambiance solennelle lui tombait sur les épaules et que la pression montait doucement au creux de son ventre. Alors qu’il trépignait, il revit l’homme de petite taille, qui l’avait accueilli, revenir vers lui. Bien vite, l’américain se leva et le suivit, dans un dédalle de couloirs tous plus éclairés et luxueux les uns que les autres. On l’accompagna jusqu’à une grande salle, où trônait majestueusement une table de banquet. Sur celle-ci, il aperçut différentes sucreries qu’il avait préparé auparavant et fait livrer au palais avant son arrivé. Sans attendre qu’on lui explique la moindre chose, il se jeta dessus pour rehausser tel plat, tourner telle assiette…

Au fond de la salle, devant de gigantesques baies vitrées qui illuminaient agréablement la pièce, se situaient un plan de travail, de nombreux instruments de travail posé sur celui-ci ainsi que divers éléments de cuisson et d’électroménagers. Les consignes avaient été respecté et Pedro pouvait y voir tout ce qu’il avait, auparavant, demandé. Rapidement, il posa sa mallette sur une table traînant près de là et l’ouvrit, pour y sortir son tablier. En le lassant autour de sa taille, après l’avoir enfilé, il continua d’écouter les instructions de son guide. Ce dernier s’exprimait dans un anglais structuré, teinté d’un accent qu’appréciait Pedro et qu’il trouvait agréable.  À ses côtés, il y avait quelques membres du staff, habillés chiquement pour l'aider dans ses tâches. Une fois les explications données, Pedro s'approcha de son équipe d'un jour pour les briefer à son tour. Il s'installèrent à la table du banquet, où il exposait le programme prévu pour l'instant et explicitait les plats disposés sur la table. Son équipe finit par se lever et les serveurs partirent lui chercher ses ingrédients manquants tandis qu'il resta assis, les mains croisées. Il tentait alors de se concentrer. C'est alors que les portes principales s'ouvrirent et qu'un homme apparut, faisant une annonce. Pedro redressa le buste et tendit l'oreille, intéressé. Un jeune homme fit irruption, suivi d'une horde de personnes toutes aussi différentes et pressants le pas derrière lui. Il semblait digne, les mains dans le dos, et Pedro comprit, à la suite de l'annonce, qui se trouvait devant ses yeux. L'héritier en personne ; un honneur de le rencontrer. « Good evening. May I introduce myself, your royal highness. I am Pedro Poetri. » Il se leva immédiatement après la demande du Prince. « I used to work as a pastry chef since a long time ago. » Pedro s'approcha un peu plus du prince, gardant une distance respectable. Il ouvrit les bras, désignant la table du banquet généreusement garnie et ajouta : « Can I be your host today ? It would be a great honor for me. » Suite à ses paroles, il se redressa légèrement après avoir incliné la tête face au Prince.