trois heures du matin déjà. la graisse frétille sous la spatule et la nuque est cassée en deux, les lèvres entre-ouvertes. les paupières frémissent. parfois la vie nocturne, c’est compliqué. même si habitué à ne pas dormir comme les gens normaux, yunwoo est parfois rattrapé par les insomnies, les doses de caféines injectés dans ses veines. il retourne un steak. et là c’est précisément  une nuit difficile. ça serait dommage de s’endormir et de mettre le feu au grill, puis au burger queen.

esclave des frites même sous l’astre lunaire, il quitte la viande pour faire un pas de côté et remuer la poignet de la friteuse, histoire que les patates cuisent correctement. l’huile qui saute pour l’attaquer. il siffle entre ses dents. c’est toujours désagréable de se prendre des aiguilles bouillantes sur les joues. un torchon sur l’épaule, il s’essuie comme il peut, écrasant sa peau irritée contre le tissu. il finit de préparer les burgers. trois commandes, deux à emporter et une sur place. il n’est pas tout seul comme employé, son collègue est au comptoir.

c’est terminé pour le moment.

il retire son tablier et s’étire avant de prendre son portable pour regarder l’heure. trois heures et quart.

il sort des cuisines pour se rapprocher du comptoir et possiblement faire passer le temps (à dire des conneries) avec son collègue. mais c’est qu’il remarque une silhouette familière assise à une table dans un coin, contre la vitre du restaurant. il soupire. sans attendre il se dirige vers le client. il le reconnait à son profil. et parce que ce jeune homme ne touche pas à la nourriture qu’il vient de payer.

il ne mange pas.

quelle triste vie.

alors yunwoo reste planté devant la table, en silence. les bras croisés. le burger qui reste définitivement dans son emballage. les frittes qui refroidissent. « tu sais que j’ai donné ma vie, et que j’ai mis tout mon amour dans ce burger et tu vas encore rien bouffer ? » il soupire, on se croirait dans une tragédie grecque. « dohyun, t’abuses. » les épaules se soulèvent, dramatisant très légèrement la situation avec une mine faussement saoulée. la racaille est d'humeur taquine.

(quel jeu d’acteur.)

il se glisse quand même sur la banquette d’en face le garde du corps, comme à la maison. pépère. le patron n'est pas là, surtout la nuit. c'est donc quelque chose qu'il fait souvent. tisser des liens avec les clients perdus dans la nuit.

c’est ça entre eux, après tout. chose qu’on ne soupçonne pas entre un vendeur de burger, ancien taulard, une petite racaille honnête, et un garde du corps de la famille royale.

et puis l'art. une âme avec qui peut il peut discuter de sa passion, c'est pas rien. alors le lien est solide.

le lien insolite.

Il ne fallait pas gaspiller la nourriture. Concept inconnu pour Dohyun, lui qui avait l'habitude de laisser la moitié de son plat vide parce que sa langue n'arrivait plus à supporter le goût. Il vivait très bien avec peu d'énergie, mangeait que lorsque son ventre criait famine. Alors ça expliquait pourquoi il ne prenait même pas la peine de toucher son burger à trois heures du matin. N'expliquait pas pourquoi il était dans un restaurant à trois heures du matin. Pas fan des snacks de nuit tout simplement parce qu'il n'était déjà pas friand des repas normaux, rien n'expliquait sa présence dans ce restaurant pratiquement désert à cette heure-là. Le son de la viande qui cuisait, l'odeur de l'huile qui remplissait l'endroit. Dohyun n'aimait pas ça. Ce n'était pas le type d'endroits qu'il avait l'habitude de fréquenter, fils de riche qu'il était. Il était plutôt habitué aux musiques classiques jouées en fond, le bruit des multiples fourchettes et couteaux qui rencontraient les assiettes, les verres de vin qui touchaient les lèvres. Malgré tout, ça ne voulait pas dire que les restaurants moins riches le dégoûtaient (sinon il ne serait pas là). C'était juste qu'il n'aimait pas tous les restaurants. A part ceux qui faisaient ses viandes favorites et ses fruits de mer exquis. Tout le contraire du Burger Queen, en somme. Alors s'il n'était pas là pour la nourriture, qu'est-ce qu'il faisait là ?

Il était là pour l'un des cuisiniers. Charmant, dit comme ça. Presque trompeur, si Dohyun n'avait pas été hétérosexuel et presque fiancé à une princesse. On pourrait s'imaginer une romance digne des fanfictions de collégiennes, un cuisinier lambda (peut-être pas si lambda que ça) et un garde du corps riche. Mais au lieu d'une romance, c'était plutôt une amitié. A travers Miyeon, Dohyun s'était attaché à ce nouvel individu. Peut-être un peu méfiant tout d'abord (qu'est-ce qu'il faisait avec ma sœur ?!), surtout intéressé. Curieux, trop curieux pour son propre bien, il était revenu. Avec quel type d’individu traînait Miyeon ? Et puis, l'art avait fait son entrée dans l'histoire, et voilà que Dohyun se retrouvait à l'apprécier. Échanges sur la même entente, le voilà à revenir au restaurant juste pour pouvoir causer. Se coltinant un burger parce que sinon on l'aurait déjà viré du restaurant, il avait les bras croisés, observant le cuisinier qui venait à peine de sortir de son antre. Dohyun se serait probablement endormi sur place si l'odeur de la nourriture qui le révulsait n'était pas aussi forte. Il leva les yeux sur Yunwoo, comme s'il n'était pas censé être un client en train de savourer son burger, mais un simple spectateur qui venait l'observer dans sa vie quotidienne.

Le spectateur devint subitement acteur lorsque le seul acteur de la pièce brisa le quatrième mur et se mit à lui parler. Il ricana, les bras toujours croisés, le burger toujours refroidissant. « Bouffe le alors. Je l'ai commandé pour toi. Je sais que tu meurs de faim à trois heures du matin. Qui ne mourrait pas de faim en pleine nuit ? » Moi, répondit-il tout seul dans sa tête. Il le suivit du regard, le vit s'installer en face de lui, comme s'ils étaient dans leur appartement fictif, l'horloge du salon indiquant trois heures et plus, la lumière de la cuisine étant la seule allumée, éclairant leurs visages fatigués qui se faisaient face, leurs corps sur deux chaises opposées, séparés par une table. A la place d'être colocataires, ils étaient un vendeur de nuit et un client perdu. Peut-être pas si perdu que ça, puisque Dohyun avait fait exprès de venir ici. Il ne serait jamais dans un restaurant de burger à trois heures du matin, sinon. Mais il avait peut-être fait exprès de se perdre pour voir Yunwoo. Il avait bien fait de se perdre, alors.

il y a comme une rivalité entre eux.

qui prend mieux soin l'un de l'autre.

et ça s’exprime parfois avec des mots durs. des palabres familières. quand dohyun est à ses côtés, ou en face de lui comme à ce moment, le faiseur de burger devient une mère poule. un peu agressive. un peu collante. protecteur dans l’âme, ça l’agace quand dohyun ne mange pas devant lui. pour un homme si actif, ça le tracasse. alors parfois, il a cette attitude un peu rentre dedans, que seuls deux amis pourraient avoir l’un envers l’autre sans se mettre sur la tronche dans la foulée.

le ton du client est aussi sec que le sien. yunwoo le fusille immédiatement du regard, en croisant les bras à son tour. une bataille d’égo. mais plus encore, une façon de montrer qu’ils tiennent à la santé de l’autre et qu’ils sont attentifs. c’est maladroit, agressif, mais ça part d’une bonne intention.  

et c’est vrai qu’il crève la dalle. ventre sur patte, il s’est déjà fait trop réprimandé par son employeur pour avoir mangé des burgers gratos (il s’est dit qu’en les cuisinant, il pouvait se servir) alors en faisant mine d’être en colère, crachant un soupire, c'est vraiment pour te faire plaisir, il chope le burger emballé en silence. « si tu tombes dans les vapes, je viendrai pas te ramasser par terre, j’te préviens. » (s’il te plait, ne t'évanouis pas, sinon je panique) crache-t-il en ouvrant le papier, puis en croquant très rapidement un bout.

comme une délivrance, il lève les yeux au ciel et commence enfin à sourire. puisque comme il l'a mentionné, dohyun commande toujours un burger pour lui. ils font comme si c’était la première fois, mais non. c’est toujours la même rengaine. un petit jeu entre eux. « ça faisait longtemps que t’étais pas venu, j’ai cru que tu m’avais oublié. ou que tu t'étais évanouis dans le caniveau, à rien bouffer. » (il en rajoute un peu parce qu'il care) ils ne se voient que très rarement en dehors des visites nocturnes de son vis-à-vis. les réseaux sociaux aident mais dohyun est quelqu'un de très occupé. « le boulot, j’imagine ? » une autre bouchée du burger. « j’ai vu ta sœur y’a pas longtemps. » petit sourire mauvais. parce que yunwoo suspecte son ami d’être méfiant de la relation qu’il entretient avec la jeune ri. alors qu'il est l’innocence, même, quelle honte. « j’ai rien fait, juré, me fais pas subir tes techniques de ninja royal. » dit-il en levant les mains et le burger en l’air. il se met à rire légèrement, parce qu'il est un peu con. c'est sûr qu'il n'aurait aucune chance dans une bagarre contre les types entraînés comme lui. yunwoo il se débrouille contre les petits délinquants des rues, qui tapent du poing pour s'exprimer.

ça sent la friture, la malbouffe. le restaurant n'est que très peu éclairé, il y a les néons à l'extérieur qui donnent un peu de couleurs au visage des deux .

Jeux de regards. De mots. Qui tiendra le plus longtemps ? Dohyun n'avait aucun doute, c'était lui qui allait gagner. Un peu comme à chaque fois. Entre celui qui crevait la dalle et celui qui n'avait pas faim, celui qui allait craquer en premier pour manger le burger était déjà décidé depuis longtemps. Rien qu'en entrant dans le Burger Queen, le garde n'avait jamais eu l'intention de manger quoi que ce soit. Peut-être une frite. Juste une frite. Pour faire plaisir au cuisinier. Histoire de dire que oui, il avait mangé quelque chose. Il n'allait pas s'évanouir parce qu'il avait le ventre vide. Il n'avait même pas le ventre vide, en fait. Il se sentait plein, rien qu'avec l'odeur et la vue du burger. Sa langue n'avait pas eu besoin d'y goûter pour que son cerveau se dise qu'il n'avait plus faim. Non pas que le burger ne soit pas bon et le dégoûte au point que sa simple vue le révulse. Mais que tous les burgers, en général, le révulsaient.

Victoire. Yunwoo prit le burger dans ses mains. Il craqua un sourire de satisfaction sur ses lèvres, ne cherchant pas à contenir son enchantement. Il savait très bien que l'autre était tout aussi enchanté que lui à l'idée de pouvoir manger son burger. Il y avait bien trois types de personnes dans la vie : ceux qui étaient le plus heureux quand ils mangeaient quelque chose de bon, ceux qui aimaient le plus manger quand ils mangeaient seul et enfin, ceux qui étaient plus heureux en voyant les autres manger plutôt qu'en mangeant eux-mêmes. Dohyun était le troisième type. Il se sentait mieux lorsqu'il voyait les autres manger que lorsqu'il devait manger. Alors non, il ne s'évanouira pas. Parce qu'en le voyant manger, il avait aussi la sensation d'être rassasié. « Tant mieux, parce que je ne tomberai pas dans les vapes. » Sourire carnassier, les bras toujours croisés, il observa son camarade manger le burger avec grand plaisir. Si Dohyun devait placer Yunwoo dans l'une des trois catégories, il n'y avait sans aucun doute qu'il le placerait dans la première. Ceux qui étaient heureux en mangeant.

Le garçon ne put se retenir de rire ouvertement. En journée, son rire aurait probablement été couvert par d'autres sons, comme le bruit des voitures, des passants, des conversations. Mais là, il était le seul à résonner dans le restaurant. Pas que ça mettait mal à l'aise le garde. Il n'était jamais mal à l'aise. « Tu ne le sais peut-être pas, mais je me suis peut-être évanoui parce que je n'ai rien mangé avant de venir ici. » Il glissa un clin d’œil, mais s'empressa d'ajouter des précisions, parce que Dohyun ne laissait que rarement le doute planer quand il s'agissait de lui-même. Il n'aimait pas quand les autres s'inquiétaient pour lui et il avait bien peur que s'il ne s'éclaircissait pas un peu, ce sera Yunwoo qui tombera dans les vapes à sa place. Dohyun n'avait pas envie de transporter un corps. Pas à trois heures du matin passées. Sa journée était terminée. « J'ai mangé du riz, si ça peut te rassurer. Au boulot. » Ça sonnerait peut-être mieux s'il disait « au palais », mais c'était plus facile de dire « au travail ». Il se fondait plus facilement dans la masse, comme ça. S'enlevait son statut d'ancien noble. « Tu sais bien que je suis un workaholic. J'ai pas vraiment eu le temps de passer à cause de ça, » s'excusa t-il sans vraiment y mettre de gravité, parce que le fait qu'il ne soit pas venu pendant longtemps n'était pas grave. Mais le fait que Yunwoo ait vu sa sœur « y'a pas longtemps » était bien plus grave. Déclenchant son instinct de grand-frère protecteur, les bras se décroisèrent enfin alors qu'il fixa du regard le cuisinier, déjà prêt à en découdre (qu'est-ce que tu lui as fait ?!). Et bien qu'il faisait quand même un minimum confiance en son ami, il restait méfiant dès que ça concernait Miyeon. Elle était différente pour Dohyun. Il s'inquiétait peut-être trop pour elle. Sûrement. Ce n'était plus une enfant. Elle était adulte. Elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Mais il resterait inquiet. Même lorsqu'ils vieilliront, Dohyun s'inquiétera toujours pour sa petite sœur chérie.

Levant les sourcils, feignant un sérieux qui ne lui ressemblait pas, il mit la main à sa bouche alors qu'il faisait mine d'observer silencieusement le coupable. Avait-il fait quelque chose ? Ou pas ? De ses observations, il en conclut que non (mais une partie de lui criait que si, que sa petite sœur était en danger ; son côté irrationnel, sans doute). « Si tu ne veux pas que je te fasse subir mes techniques de ninja royal, dis-moi ce que t'as fait avec elle. Et je veux tout savoir. Tout. Dans les moindres détails. » Ton solennel, son regard trahissait son amusement. Il savait que Yunwoo n'avait rien fait (probablement), il était juste curieux de savoir ce qu'ils avaient bien pu faire. Pénétrer dans leur vie privée ? Clairement. Mais Dohyun s'en fichait un peu, de s'infiltrer dans la sphère privée des gens. Il était juste curieux.

le régime alimentaire de yunwoo n’est pas sain. depuis sa sortie d’entre les barreaux, il profite un peu trop des choses dont il n’avait pas accès pendant son séjour pénitencier. la malbouffe est l’exemple le plus flagrant, alors qu’il gobe le burger et le savoure comme si c’était le met le plus onéreux et le plus savoureux d’hanseong. la grande différence entre lui et dohyun. rassuré (légèrement) quand le garde du corps lui confirme qu’il ne s’évanouirait pas de si tôt, il continue à manger son petit en-cas de la nuit avec entrain.

il rit en même temps de son ami, leurs voix résonnent dans le restaurant vide. il n’y a que son collègue, entrain de nettoyer des tables comme témoin d’un yunwoo aux antipodes de ce qu’on pense savoir de lui. l’introverti, le solitaire. le voilà le rictus aux lippes, socialisant comme jamais avec le client de la nuit. haussement du sourcil balafré. comment ose-t-il jouer avec l’instinct protecteur de la racaille. « je vais te virer de mon restaurant, j'te préviens. » voilà, maintenant, il s’inquiète à nouveau, la mine boudeuse (toujours aussi dramatique l’un envers l’autre) du riz, ce n’est pas assez. et l’imaginer courir après la tête royale qu’il protège, là-bas, dans cette vie opposée, ça le tue. alors l’idée de l’embêter avec sa cadette lui vient.

après les potentielles révélations sur la jeune sœur, les mains en l’air, comme un criminel prêt à se rendre après avoir avouer ces crimes, il se retient d’éclater de rire. un visage faussement sérieux. c’est encore plus difficile de se retenir quand dohyun réagit de manière prévisible en exigeant des détails, sous peine de torture. « d’accord, d’accord, d’accord. » dit-il en souriant bêtement, la caboche baissée.

les mains à hauteur de table, il pose son burger presque fini pour piocher une frite sur le plateau de son ami d’en face, se penchant légèrement en avant. « déjà, tu sais que je suis un gentleman, non ? » il croque un morceau de patate. c’est qu’on a du mal à y croire avec sa dégaine de voyou, que c’est quelqu'un de bien. en tout cas, de passable. « je lui fais juste découvrir les plaisirs de la nuit. » le sous-entendu n’est pas limpide dans son esprit et il continue très sérieusement. « faut bien qu’elle me tienne compagnie, puisque son frère m’oublie pour son travail. » finit-il les bras croisés, frite au creux des lippes comme un réflexe de consommateur de nicotine.

puis il se rend compte, quelques secondes après, que sa phrase pourrait être mal interprétée. il s’enfonce sur sa chaise, s’éloignant le plus possible de portée d’un poing dans sa tronche et décide de ne pas remédier à un possible malentendu. la punition pour ne pas être passé voir son bro de la nuit pendant plusieurs jours.

sourire aux lèvres, histoire de l’embêter un peu plus, au point où on en est. il enroule ses phalanges autour de ses paupières, mimant des jumelles, et rapproche son visage de son vis-à-vis « mais c’est vrai que plus je te regarde, plus je doute qu'elle soit ta sœur. elle est bien trop jolie pour ça. » il finit par se lever, anticipant une réaction aussi violente qu’infantile de la part de dohyun.

course poursuite puis combat à main nues dans le burger queen à trois heures du matin, qui gagne ? les paris sont ouverts. (yunwoo n'a aucune chance, oui.)

Manger n'était pas important pour Dohyun. Il le faisait parce que son corps en avait besoin. Mais si un jour un magicien sorti de nulle part lui demandait s'il voulait bien ne plus pouvoir manger de sa vie, il accepterait même s'il n'y avait pas de contre partie. Il trouvait que manger était une perte de temps. Avis non partagé par le cuisinier, qui savourait son repas avec grand plaisir. C'était attendu. Quand le garde du corps venait ici, c'était pour offrir un repas à son ami. Il n'avait jamais eu aucune intention de manger quelque chose. « Tu oserais me virer ? » Il prit une mine offusquée, portant la main à son torse, exprimant une indignation bien trop exagérée. C'était Dohyun, ça. L'exagération. Il adorait jouer là-dessus. « Mais je suis le seul client de ton restaurant, tu peux pas faire ça. En plus, j'ai payé pour un burger, je ne suis absolument pas assis en train de ne rien faire, je suis en train de manger. » Frite promise, frite due. Il vola une frite dans sa propre assiette et en prit une bouchée. Il leva les yeux sur Yunwoo, sourire moqueur. « Tu vois. » Il regrettait déjà. Mais pour la blague, il voulait bien sacrifier son palais. Il mâcha le bout de patate dans sa mâchoire, l'air satisfait. Il goba la deuxième partie de sa frite (il n'y avait que Dohyun pour manger une frite en deux fois) et il l'aurait peut-être fait en trois fois si son ami ne lui avait pas fait la révélation qu'il avait vu sa sœur. Ok pour les burgers, ok pour se faire virer du restaurant mais pas ok pour toucher à sa petite sœur chérie. Les yeux plissés, presque meurtriers s'il ne savait pas que l'autre n'avait rien fait (sans doute), il y restait ainsi une lueur d'amusement. Seul réconfort pour l'adversaire de comprendre qu'il n'y avait pas de réel danger. Peut-être que c'était pour ça qu'il avait osé sortir ça.

Les plaisirs de la nuit.

« Les plaisirs de la nuit, » répéta t-il.

Les plaisirs de la nuit.

Abasourdi, comme si on venait de frapper dans un gong juste à côté de ses oreilles, ses sourcils se froncèrent petit à petit alors qu'il dévisagea du regard son ex ami. Il semblait parfaitement sérieux, si sérieux que les doutes éclatèrent et que d'un coup, Dohyun se demanda sérieusement si quelque chose s'était passé entre Yunwoo et elle. Mais elle lui aurait dit, non ? Pourquoi est-ce qu'elle ne lui aurait pas dit ? Est-ce que sa petite sœur voulait lui cacher sa relation... ? Blessé, outré, si le burger et les frites avaient eu le temps de se refroidir, tout allait rapidement se réchauffer vu la colère brûlante qui émanait désormais de Dohyun.

« Les plaisirs de la nuit ? » s'étrangla t-il, se redressant, ses fesses quittant la chaise tandis que ses mains frappèrent la table.

Les frites le sentirent comme un tremblement de terre, se secouant un peu en l'air avant de retomber peinardes sur le plateau. Dohyun put presque sentir la propre frite qu'il avait ingéré sauter dans son estomac. Peut-être parce qu'il était un peu trop agité à trois heures du matin, que son corps lui conseillait de dormir. Hors de question qu'il dorme après ça.

Mine indignée, bouche grande ouverte, si Yunwoo aurait peut-être pu se faire pardonner avant, là il était fini. Ses yeux suivant sa silhouette qui se leva de sa chaise, le garde comprit rapidement qu'il n'avait que le temps de quelques secondes pour le choper avant qu'il ne se barre. Évidemment, le cuisinier n'avait aucune chance contre Dohyun et s'il était sérieux, il l'aurait déjà plaqué à terre en lui faisant une jolie clé de bras bien exécutée (bravo, aurait dit l'entraîneur). Mais sa journée était terminée et le jeune homme n'était pas là pour continuer son travail. Il était ici en tant que client pacifique du Burger Queen, qui ne voulait en aucun cas étrangler le cuisinier. Évidemment que non. Pour qui le preniez-vous...

Faisant le tour de la table, chopant Yunwoo pour l'étrangler par derrière avec son bras qui comprimait sa gorge et l'autre qui maintenait la pression, il rapprocha ses lèvres de son oreille. « Dis-moi, Yunwoo... Tu fais quoi exactement, avec elle ? Tu lui fais découvrir quels plaisirs ? » Cette scène aurait pu parfaitement passer dans un film d'horreur. Le murmure dans le creux de l'oreille, le sourire effrayant sur les lèvres. Mais Dohyun n'était pas sérieux (un peu quand même, parce que ce que son (ex) ami venait de lui dire était vraiment inquiétant), il n'était pas réellement en train de l'étrangler à mort. Il le pourrait, évidemment. Il ne le ferait pas. Quand même. A part si Yunwoo faisait une autre erreur. Tu dérapes et je te bute, le sous-entendu dans sa question était clairement là.