LE FRACAS DES APPLAUDISSEMENTS,
RÉSONNE PROMPTEMENT.

À la lumière des projecteurs, le corps brille de mille feux ; resplendit au milieu des autres, mais il n’est que solitude. Seul contre tous, il s’impatiente d’entendre jaillir la plus belle des symphonies – celle pour laquelle son âme s’est entraînée plusieurs semaines durant. Ses phalanges attrapent le pan de sa chemise, redresse son corps une dernière fois et se positionne. Prêt. La conquête du monde.

Un univers se dresse dès lors la mélodie se fait entendre. Et le spectacle commence. Éblouissant – époustouflant. Les jambes s’élancent dans le vent, vole de temps en temps comme si plus rien n’existe. L’instant est magique. MAGNIFIQUE. Éphémère dans les regards, cependant présent dans les mémoires à jamais ; l’esprit se raconte de ces histoires où plus tard, on se souviendra. On se racontera. On énoncera l’évènement de ce soir-là. Des rêves étincelants par milliers, il est maître de ces naissances comme on l’a été pour lui autrefois. Et toujours, il se rappellera.

Flamboyant – somptueux. Fascinant. Les mouvements sont en accord parfait, la musique derrière et l’angoisse pesante des parents qui se ressent. Car Yunseo sait. Il sent. Il ressent. Cette pesanteur qui émane du public comme à chaque fois depuis que les mots ont éclos. SECRET ENVOLE. Dépassé. Les pensées se développent ailleurs, se concentrent dans les méandres du ballet.

Jusqu’à la fin.

Les salutations s’inventent. Les perles au front, et le corps précieux s’envole dans d’autres cieux ; coulisses du bal. Plus tard, la salle se lève, applaudissant en finesse la beauté des scènes. Yunseo rejoint les siens, les parents plus fiers qu’ils ne semblent le montrer, mais le regard dévie rapidement pour y croiser celui de son ombre imperceptible. Son frère. Les émotions se forment et se déforment. Heureux – coléreux. Mais le silence persiste entre les lèvres. Pas un mot.

« Vous avez aimé ?
– Oui, beaucoup. Ton saut était impressionnant, j’ai eu si peur ! J’en ai eu la larme à l’œil. Tu imagines un peu si tu t’étais mal rattrapé ? Oh, mon chéri fais attention !
– Oui, mais ce n’est pas arrivé … Euh, dites on a prévu de dîner ensemble après le spectacle. Je vous laisse. Merci d’être venu ! »

Il disparaît – le prétexte trouvé. Et ses doigts tapent sur le clavier de son téléphone, Sieon. Plus qu’une idée en tête, le rejoindre sans qu’on ne le sache. Car depuis longtemps déjà, les choses se font ainsi. Dans le plus pesant des secrets qui ne se disent. Encore un poids sur le dos que Yunseo se doit de porter sans qu’on ne se préoccupe à sa place.

Solitude. Abandon.

« Qu’est-ce que tu fais là ? Comment ? »

Les invitations ont fané depuis longtemps. Elles sont mortes. Et ce qui paraissait naître à disparue avec elles. Qu’un morceau d’affection mélangé à la haine. Il n’en reste plus rien – ou ce qu’ils laissent paraître. Content. Déçu.

les pas feutrés, emmitouflé dans son gros manteau qui l'engloutit presque ; un intrus dans ces lieux, malgré l'invitation qui porte clairement son nom. il n'a pas été invité, il ne devrait pas être là. l'espace d'un instant les pensées parasites occupent son esprit et lui susurrent de tourner sur ses talons et repartir là où il est venu, se jeter dans un bar random pour y claquer tout son fric — ce qu'il sait faire de mieux, là où il a sa place. mais les lunettes de soleil en guise de bouclier et la fourrure de son manteau qui recouvre la moitié de son visage lui insufflent le courage dont il a besoin et il se fraie un passage parmi les convives, disparaît au sein de la foule avant de trouver sa place parmi le public.

ce n'est pas sa première fois, mais ça fait tellement longtemps qu'il n'a pas eu l'occasion d'y assister. les verres teintés glissent le long de son nez pour laisser place à l'émerveillement pur qui fait briller ses iris, hypnotisés par les mouvements qu'il suit de la tête et qui font remuer son coeur. le regard figé sur une seule silhouette, lui semblant lointaine et inconnue sur cette scène mais dont la familiarité restera à jamais gravée dans son être, malgré cette famille qu'il a rejetée. la fierté, elle, reste là ; sentiment impérissable qui s'accroche à lui, inonde tout son être chaque fois qu'il voit yunseo dans son élément, bien dans sa peau. s'il savait.

tout naturellement il est le premier à applaudir. il se retient à peine de se lever pour l'acclamer, crier sa fierté à tous les présents. peu désireux de s'attirer l'attention de ceux qu'il évite depuis déjà deux ans. certains de leur présence ici, eux aussi fiers de leur prodige.
yunseo, seule exception à la déception courant dans cette ex-famille.
la foule se disperse et lui aussi, caché derrière une plante dès lors que les parents se montrent. il l'a vu, il le sait. et les signes de la main montent en intensité alors qu'il articule silencieusement des "viens ici, tout de suite !!" pressés. succès confirmé quand leurs regard se croisent et que le plus jeune tourne le dos pour rejoindre son aîné, sourire surjoué aux lippes de ce dernier. « j’me suis débrouillé. » il n'allait évidemment pas lui divulguer les détails du sugar daddy qu’il avait supplié pour leur dénicher des invitations avant de prétendre être trop malade pour l’y accompagner le jour-même, puis s’y faufiler tout seul juste pour le voir.

« t'étais super, au fait. comme d'hab. » c'est tout aussi sincère que maladroit. il prend ses aises lorsque sa main vient presser son bras, mais son sourire semble timide et son regard presque contrit. « t'as faim ? on peut aller manger, c'est moi qui t'invite. »