Voilà quelques jours qu'Eun Seom ne rentrait pas directement chez lui après son boulot. En effet, il avait pris la mauvaise habitude de s'approcher du palais et plus particulièrement des cuisines, d'où n'avait de cesse d'émaner de douces odeurs. Debout sur la pointe des pieds, Eun Seom avait plaisir secret d'observer le ballet incessant des cuisiniers. Ainsi, tous les soirs, le jeune palefrenier répétait le même rituel, restant durant des heures de suite obnubilé par la rigueur et la beauté de leurs gestes. Puis un jour, sans qu'il ne réfléchisse plus que ça à ce que ses actes pourraient engendrer, Eun Seom avait décidé de pénétrer au sein de cette caverne d'Ali Baba. Silencieusement, il avait attendu que les cuisiniers quittent un à un l'habitacle, avant de se glisser à l'intérieur. Le cœur battant, il explora durant un long moment ce nouveau lieu, laissant ses doigts courir le long du plan de travail. Parfois même, il se laissait aller à quelques aventures, s'emparant des ustensiles et des couteaux pour les analyser sous toutes les coutures.

Puis contre toute attente, l'ancien prostitué abandonna ses nouveaux jouets pour se diriger vers le frigo. Le cœur battant la chamade et les doigts tremblants, il vint refermer ses doigts autour de la poignée, hésita quelques instants encore et ouvrit finalement le précieux sésame. Devant lui se dévoila alors ce dont il avait toujours rêvé de déguster un jour... Des pâtisseries. Des gâteaux par dizaines, recouvert de chocolats, de fruits et d'autres substances inconnues aux yeux d'Eun Seom. Immédiatement après cette découverte, son ventre se mit à grogner et il s'empara d'un des plats, qu'il reposa presque aussi tôt. Il ne pouvait pas, ces gâteaux étaient destinés à la famille royale et non pas à un simple palefrenier comme lui. Le sourire triste, il referma alors la porte du réfrigérateur dans le but de quitter par la suite les cuisines.

Mais alors qu'il fit volte face, abandonnant son rêve de déguster l'une de ces merveilleuses pâtisseries, son corps vont heurter violemment celui d'un autre. Sous le choc, Eun Seom fut propulsé légèrement vers l'arrière, son dos butant contre la porte métallique du réfrigérateur. Surpris par l'événement, le coréen prit quelques secondes pour retrouver ses esprits et capter le regard du nouvel arrivant. " Mon... Monsieur le Pâtissier !" s'écrit-il d'une vive voix, un immense sourire se dessinant sur ses lippes rosées " Je suis si content de vous rencontrer !" ajoute-t-il avant de baisser les yeux comme le ferait un enfant qu'on venait de prendre la main dans le sac " Je n'allais rien voler, je vous le jure ! Je voulais juste voir les gâteaux. Ils sont si beaux et... Ils ont l'air si délicieux. "

Depuis plus d'un an, Pedro avait la joie de faire parti pleinement de l'équipe royale de pâtisserie. Le palais l'avait débauché, et bien qu'il continue à s'occuper de son propre café, il avait réussi à se dégager du temps et à garder de l'énergie pour travailler au sein du palais. Quelle épreuve, quelle consécration. Jamais, durant sa carrière qui commençait à être fournie, il n'avait eu un tel honneur : travailler pour des palaces, il l'avait fait. Mais pour une royauté ? Chaque jour, l'américain savait mesurer la chance qu'il possédait, de se trouver dans un tel lieu et de pouvoir y accéder. Par sa place de chef pâtissier, et non simple commis, il avait accès à un laboratoire gigantesque et à un tas d'ingrédients, aussi rares les uns que les autres, pour travailler et créer des merveilles. Le rêve.

Jongler entre plusieurs professions : Pedro savait exécuter cette tâche avec perfection grâce à sa personnalité d'acharné du boulot. Difficile à suivre pour ses collaborateurs, il cherchait à se nourrir et à s'élever professionnellement en permanence, se montrant un peu trop souvent désagréable ou angoissant pour ses collègues, surtout pour ses employés. Aujourd'hui, rien n'échappa à la règle. Après avoir travaillé au palais puis avoir passé l'après-midi au centre d'Hanseong, dans son café pour étudier et confectionner un nouveau menu avec son équipe, le voilà se dirigeant vers les cuisines du palais pour continuer sa journée. Il savait qu'à cette heure aussi tardive, personne ne se trouverait dans le labo et qu'il pourrait, avec joie, allégresse et liberté, utiliser tout l'espace et ne pas être déconcentré par le monde extérieur. Alors, il fut surpris de voir de la lumière passer sous la porte de la pièce, une lumière bleue, certainement celle d'un frigidaire peut-être laissé ouvert par une tête-en-l'air. Déconcerté, Pedro s'approcha des cuisines et s'y engouffra doucement, d'un geste rapide, avec l'envie pressante de rapidement claquer le frigo pour ne pas que la chaleur s'y immisce. Quelle ne fut pas sa surprise d'y découvrir un jeune homme, qu'il voyait claquer la porte réfrigérateur après y avoir reposé une assiette, crût-il deviner. Il y eut un choc fulgurant entre les deux hommes, alors que l'inconnu cherchait à quitter les lieux sans avoir aperçu l'arrivée de Pedro.  Un cri. Le pâtissier recula un peu pour toucher le mur à la recherche de l'interrupteur qu'il trouva bien vite. « Je suis si content de vous rencontrer ! » La lumière fut et il put découvrir plus attentivement le jeune homme face à lui qui semblait perdu dans sa confusion, se perdant dans des explications et excuses. « Je n'allais rien voler, je vous le jure ! Je voulais juste voir les gâteaux. Ils sont si beaux et... Ils ont l'air si délicieux. » Jusque-là, Pedro l'avait laissé parler sans répondre, lui permettant de se justifier puisqu'il n'y avait aucune raison logique pour qu'il soit ici. Cependant, l'entrain de son interlocuteur l'amusait. « Votre nom ? » Avoir connaissance de son identité pourrait certainement l'aider. Son visage ne lui était pas familier, il ne faisait donc pas parti de l'équipe des cuisines. Enfin, toutes les paroles prononcées par le garçon allaient dans ce sens : Pedro ne le connaissait pas et ne comprenait pas ce qu'il faisait ici. « Vous aviez faim ? » Il s'approcha du garçon qui n'avait toujours pas bougé, le dos contre la face métallique du frigo. « Ou vous vouliez me rencontrer ? » S'interrogea le chef, la main sur son menton, le regard rêveur levé vers le plafond ; trip égocentrique.

Le chic fut frontal et violent, envoyant le plus jeune des deux valser contre le frigidaire. Immédiatement, un couinement de douleur fit écho dans la pièce, et très vite un deuxième s’échappa des lèvres d’Eun Seom, qui surpris par la lumière mit bien quelques secondes à s’accommoder à ce brusque changement d’ambiance. Lorsque finalement ses yeux encore fragilisés s’habituèrent enfin à la lumière de la pièce, ceux-ci s’écarquillèrent à la vue du nouveau venu. Sans attendre Eun Seom prit la parole, agressant sans le vouloir le pauvre pâtissier de bien trop d’informations. « Oh eum…Eum Seom monsieur. » répond le palefrenier d’une petite voix, à la fois timide et sûrement emprunt de honte. Il avait honte de s’être laissé emporter comme ça et d’avoir tenté en premier lieu de se justifier avant de s’excuse. « Désolé. » murmure-t-il avant de baisser la tête n’osant guère affronter plus longtemps le regard du plus vieux. Mais alors que celui-ci l’interrogea son ventre se mit à gargouiller, trahissant sa faim, néanmoins malgré ceci Eun Seom secoua la tête et déclara d’un ton calme « Non monsieur … Je n’ai pas faim. » lui répondit-il, glissant son bras autour de son ventre comme par envie de faire taire celui-ci. « Je voulais … Je voulais voir vos gâteaux. Je … Je ne pensais pas vous trouver ici … Je suis désolé, j’aurais dû demander avant d’entrer … Mais vous … J’avais peur de vous parler et de … de vous ennuyer. » avoue l’amoureux des bêtes, son regard se redressant un court instant vers le visage du pâtissier. Cette simple vue lui arrachant un petit sourire de joie, sourire qu’il tente rapidement de camoufler, puisque sourire dans une telle situation n’était peut-être pas adéquat.