il n’y a qu’elle dans sa tête ((soojin)). ça lui fait l’effet d’une mauvaise rupture, sauf que c’est pire. parce que les liens qui les unissent sont plus forts que ça. aucun laps de temps ne saurait les défaire, il en a fait l’expérience pendant de douloureuses années. c’est le même sang qui coule dans leurs veines - du moins en partie, et pas celle qui compte ((c’est tout le problème)). il n’arrive pas à se sortir de cette apathie qu’il l’a pris depuis qu’ils se sont croisés. ((foutu hasard, toujours à mal faire les choses)). tous les scénarios qu’il s’était montés pour faire taire sa culpabilité ont volé en éclats ; et jihyeon il ne sait pas vraiment quoi faire. il avait naïvement pensé qu’elle s’en tirerait mieux s’il sortait de son existence, et il avait eu la preuve fulgurante du contraire. les pensées se bousculent dans son esprit, foutent le bordel, et aucune ne lui plaît vraiment. il a caressé l’idée, peut-être, d’enfin confronter l’homme qui s’est si facilement débarrassé de lui pour lui réclamer son dû ((l’argent sale de khan johwan)). avec il pourrait mettre un terme à toutes ses escroqueries, tenter de rebrousser le chemin du connard dans lequel il s’est engagé. reprendre son rôle de grand frère. mais ça le rend malade.

il a l’impression de devenir fou, tournant en rond dans son semblant d’appartement comme un lion en cage. alors il fait un effort pour s’habiller de manière présentable, attrape son portefeuille et claque la porte derrière lui. le soleil a déjà tiré sa révérence, un éclat lunaire brille dans un coin du ciel et il aurait pu s’en émouvoir s’il était sensible à ce genre de poésie ((which he’s not, clearly)). il marche d’un pas décidé, revigoré par l’air frais de ce quartier qu’il commence à considérer comme sa maison. il passe de la rue à une supérette, de la supérette à la porte de sieon, bouteille à la main. il frappe sans cérémonie, et à peine son cadet lui ouvre-t-il qu’il s’invite à l’intérieur. « hi, hope i’m not interrupting anything. » balance-t-il avec nonchalance, jetant un regard autour de lui pour constater qu’ils sont bien seuls. « well i lied, i wouldn’t have cared anyway. » ajoute-t-il en se retournant finalement vers sieon, pour lui fourrer sa bouteille dans les bras. un sourire apparaît sur le bout de ses lèvres, tandis qu’il quitte l’entrée pour se mettre à son aise. il se sent presque chez lui ici, et il faut dire que c’est grâce à lui s’il s’est ajusté à sa nouvelle vie. après avoir tout perdu, il ne pensait pas trouver un frère, encore moins un qui puisse réellement le comprendre. « i’m having the worst week, i need to get drunk and go out and you’re coming with me. » c’est le genre de choses qu’il n’aurait jamais faites avec soojin. leur relation n’est pas la même, l’écart d’âge moindre et ils n’ont pas grandi ensemble. il ne ressent pas le besoin de le protéger des parties les plus sombres de son être. et il y a quelque chose de rassurant dans cette capacité à être entièrement lui même face à un autre ((un frère)). « looks like you have nothing better to do so pour me a drink will you? »

appartement vide sans la présence de junha à laquelle il s'est tant habitué, même le bruit des pattes de son chien sur le parquet ne suffit pas à meubler le silence dévastateur. ces quatre murs semblent encore plus étouffants en l'absence de son meilleur ami, alors c'est avec soulagement qu'il accourt pour répondre à la sonnerie qui retentit sans même prendre la peine d'enfiler un pantalon, prêt à n'importe quoi qui pourrait le distraire de sa solitude. c'est la silhouette imposante — et pourtant à peine plus grande que la sienne — de jihyeon qui se dresse devant lui et, malgré son enthousiasme, c'est une expression blasée qui vient voiler son visage par instinct, sa façon à lui d'exprimer son affection. « do i look like i have anything to do? » tous les deux étaient dans le même cas : sans emploi, sans ambition, sans objectif. au bout du rouleau, et sans ressentir le besoin de le cacher l'un à l'autre. « whatever, asshole, » qu'il renchérit en roulant des yeux, le laissant entrer malgré tout. au fond de son esprit résonne la pensée : t'es vraiment mon frère. et ça fait bizarre, parce que quand bien même il a grandi en sachant que son "vrai" père avait d'autres enfants, son frère n'a jamais été autre que yunseo. yunseo qui semble être à des lieues de lui maintenant, séparés par tout un monde, par un océan de déceptions qu'il préfère que le plus jeune n'ait pas à traverser. ce qu'il trouvera de l'autre côté le détruira sûrement. autrefois modèle, exemple à suivre, il est à présent réduit à néant. mais avec jihyeon, il ne ressent pas cette pression d'être à la hauteur, simplement la liberté d'être l'échec qu'il a fait de lui-même. parce qu'il n'est pas le seul. « the fuck do i look like? your assistant » et les langues se délient, les injures fusent avec banalité comme s'ils en avaient l'habitude, comme s'ils se connaissaient depuis des siècles. ce pourquoi sieon n'hésite pas à l'accueillir chez lui, pourquoi il ne fait que soupirer et hausser les épaules à sa requête qui ne le dérange même pas tant que ça malgré le désagrément que ses traits exhibent. « hop off my dick, jihyeon. just because you're older doesn't mean you can treat me like a maid in my own house. » ses mains sont pourtant déjà en train de s'accaparer la bouteille et chercher des verres pour les servir tous deux. il pousse celui de jihyeon vers lui et porte le sien à sa bouche, accoudé sur le comptoir en sirotant lentement. « how come your week is so terrible? you tried to scam someone and they found out you're full of shit? »

la simple présence de sieon fait des miracles. il ne peut nier l’amélioration significative de son humeur depuis qu’il s’est invité à l’intérieur de son appartement ((mais plutôt crever que de l’avouer, il n’en entendrait jamais la fin)). les déclarations d’affection ne sont pas de mise entre eux, plutôt les piques et les injures habituellement réservées à ceux qu’on a connu depuis toujours - ceux qui ne risquent pas de s’offusquer d’une parole un peu déplacée. jihyeon s’étonne parfois encore de la facilité avec laquelle la complicité s’est installée entre eux - naturellement. jusque récemment il n’avait jamais eu de frère et pourtant poser son regard sur le plus jeune lui fait l’effet d’un miroir. il lit le même fardeau dans ses yeux, devine le même sentiment amer de n’être qu’une déception pour ceux qui ont compté pour lui. deux mêmes épaves qui peuvent se complaire ensemble de leur médiocrité. « you could use some pants. » sourire moqueur qu’il offre face à son accoutrement. clairement l’unique chose qu’il est en train d’interrompre est une soirée d’apitoiement ((ou de plaisir solitaire et les deux ne vont-ils pas ensemble?)). mais qui est-il pour juger, il en a connues aussi, bien plus qu’il n’aimerait admettre. il y serait encore ce soir s’il n’était pas venu ici. l’air blasé de sieon ne l’atteint pas, et c’est vers son chien qu’il se dirige pour lui offrir quelques caresses. « who’s a good boy? yes that’s you! your master is a pain in the ass but you’re the best boy in the universe. yes you are. » sa voix est celle qu’on offre aux bébés et il sent les yeux de son cadet se rouler dans son dos sans même avoir besoin de se retourner. et malgré tous ses grognements et protestations, il l’entend aussi tirer des verres d’un placard et ouvrir la bouteille qu’il lui a gracieusement ramenée. abandonnant le chien pour se rapprocher de ce remontant bien nécessaire. « well i would certainly hope that my assistant would be prettier than you. no offense. » il attrape le verre posé devant lui, fait mine de le lever à la santé de l’autre avant de le vider d’une traite, laissant l’alcool lui brûler délicieusement la trachée sur son passage. « i think i need more. » marmonne-t-il en attrapant la bouteille pour s’en servir un deuxième. il a des plans grandioses de soirée jusqu’aux aurores en tête et il ne saurait rester sobre. encore moins avec la question que sieon lui pose. « you think you’re so funny? nah that would have been a nice week in comparison. » il aurait préféré mille fois se faire prendre la main dans le sac au milieu d’une de ses arnaques. les pigeons semblent courir par dizaines dans les rues d’hanseong et nul doute qu’il aurait fini par retomber sur ses pattes. mais il n’y a qu’une soojin. « i saw my sister. karma’s a bitch. » et sur ce, il porte à nouveau le verre à ses lèvres, signifiant plus ou moins subtilement qu’il n’avait pas plus que cela l’envie d’élaborer sur le sujet. après tout, c’était bien pour cela qu’il était venu ici, ((oublier)).

« you could use some shutting the fuck up, » répond-il sans attente à la remarque. les lieux transformés en ring de boxe dès que l'aîné est arrivé, c'est toujours comme ça entre eux, des échanges virulents que sieon ne peut même pas prétendre réserver uniquement à ceux qu'il aime mais qui, adressés à la bonne personne, sont sincèrement une expression d'affection. jihyeon est son frère, après tout — le genre de frère qu'il n'a jamais eu, celui pour qui il n'a pas besoin d'être un exemple immaculé. juste le déchet qu'il est réellement, et jihyeon semble l'accepter. sieon roule des yeux aux mots de l'aîné, mais malgré tout ses lèvres sont courbées en un sourire attendri, tout est pardonné tant que son chien est couvert de l'amour qu'il mérite dans le même souffle. il n'a pas besoin de se faire prier pour leur ramener l'alcool dont ils ont tant besoin, même si ses sourcils se froncent avec désapprobation en voyant la vitesse à laquelle jihyeon finit son verre — pas par souci envers sa santé, mais parce que ce n'est pas lui qui paie les bouteilles. un soupir agacé lui échappe alors qu'il entame à son tour sa boisson, puis il s'empare de la bouteille dès que l'aîné la lâche pour se resservir lui aussi. semblables jusque dans leur consommation d'alcool peu raisonnable. « fuck off and die, i'm fucking breathtaking[/i], » gronde-t-il au creux de son verre qu'il sirote plus lentement, sa concentration happée petit à petit par le récit que jihyeon lui promet. ses sourcils se haussent avec intérêt et son regard semble aussi agacé que curieux, frustré de devoir quémander les détails. « and? » il insiste sur sa prononciation du mot, sur son envie d'en savoir plus. absence totale de tact, sieon ne réalise que trop tard que jihyeon n'a probablement pas envie d'en parler, pourtant ça ne l'empêche pas de pousser le bouchon. « what, she got a botched nose job? she got hit by a car when you saw her? what happened? » d'ordinaire ce serait de la simple curiosité, une envie égoïste qu'on lui raconte des secrets juteux pour le divertir l'espace de quelques instants. avec jihyeon, pourtant, c'est le besoin de connexion, d'avoir une fraternité où les secrets ne sont pas nécessaires. sieon veut que l'aîné lui fasse confiance ; il veut être là pour lui, et il ne sait l'exprimer qu'en se montrant indiscret. « come on, you can tell me. i have enough alcohol for the whole story. » trop fier pour s'excuser de sa curiosité et abandonner l'idée de la satisfaire, pas assez doué avec les émotions pour montrer son soutien autrement, alors il ne sait le convaincre qu'en remplissant de nouveau son verre vide à ras bord.

les insultes comme langage de prédilection, il n’y pense même pas que la réplique arrive automatiquement sur le bout de ses lèvres. « and you could use some kick in the ass. » échange de haute voltige, on pourrait croire assister à une dispute de cour de récréation à l’école élémentaire du coin, la politesse en moins ((comme s’il n’avaient pas vraiment évolués)). difficile de croire que la paire n’a pas grandi ensemble, que cette familiarité n’est le fruit que de quelques années plutôt que d’une vie entière de fraternité. mais les menaces ne sont jetées qu’en l’air, des paroles creuses que les actions ne suivent pas. un demi sourire naît sur son visage, éclairant presque son air ombragé, parce qu’au fond, c’est une affection sincère qu’il ressent pour son cadet. derrière leurs disputes incessantes, il ne peut penser à aucune autre personne qui saurait le soutenir comme le fait sieon. et après la semaine qu’il a passée, il n’y a que chez lui qu’il se voyait déverser son humeur massacrante ((pour son plus grand bonheur)). partager un géniteur enclin à ruiner la vie de sa progéniture tend à amener ce degré de proximité. le fait qu’ils puissent s’adonner ensemble à des vices dont il aurait aimé protéger soojin comme si elle n’était encore qu’une enfant représente aussi un bonus non négligeable. le verre vide reposé sur le comptoir, le regard croise les sourcils froncés qui lui font face. « what? i bought that bottle. » avec un argent gagné de la manière la plus honnête qui plus est. il se ressert et cède la bouteille à sieon pour qu’il en fasse de même. « nah, i don’t think you got the good family genes. you know i scammed one of the princes once, a fucking idiot but he sure looked prettier than you. » le sourire s’étale sur ses lèvres lorsqu’il se remémore le souvenir. il avait voulu s’approcher d’un des fils légitimes de johwan pour goûter à la vie qu’il aurait pu avoir si sa mère n’avait pas été qu’une actrice ratée trop ambitieuse pour son propre bien. jihyeon aurait sans doute été misérable dans cette existence protocolaire, mais n’aurait pas craché sur l’argent coulant à flot à ne plus savoir quoi en faire. et ça lui avait fait du bien, de se venger d’un gamin qui n’avait commis d’autre crime que d’avoir eu la chance de naître au sein du bon mariage. l’anecdote sur le bout des lèvres comme pour oublier la véritable raison de sa venue, mais sieon est là pour la lui rappeler, tout en subtilité. « fuck you don’t laugh about my sister’s hypothetical death like that. » il sait que sieon ne fait que s’inquiéter pour lui, qu’il a sa manière peut-être maladroite de l’encourager à s’ouvrir. mais d’une certaine manière, imaginer le pire lui donne l’impression d’avoir réagi de manière dramatique à la réalité. au moins soojin était en vie ((mais une vie qu’il n’était pas prêt d’approuver)). soupire exagéré et ses mains reviennent chercher le précieux verre pour le porter à ses lèvres, faisant durer le silence avant de reprendre la parole. « put on some pants and i’ll tell you. we need to get out of here this apartment is too depressing for that kind of story. »  il était venu avec une idée en tête, et il n’en démord pas.