boire ;
ô déboires.

s’évanouir, se nuire.
— se détruire.

dans la pénombre, elle sombre.
elle s’effondre.

parfois, elle oublie. elle s’oublie, se dénigre. à croire qu’elle désire s’enfuir, s’évader. elle ne peut orchestrer un tel acte, elle le sait. elle est coincée, enracinée. elle ne peut être qui elle désire, juste l’ébauche d’une chimère. d’un songe qu’elle chérit, qu’elle néglige. elle n’est qu’une autre, un hôte égarée.

alors, elle s’enivre.
— elle se désinhibe.

le temps d’une nuit, à l’obscurité tombée. sa tête est embrumée, ses réflexes altérés. ses veines et artères s’emplissent, tandis que les verres se désemplissent. elles laissent quelques âmes l’effleurer, la toucher. sur cette poste de danse, les essences s’encensent. elles se frôlent, s’enrôlent — et se meurent.

ses tempes se révèlent lancinantes, douleur alarmante. elle a besoin d’air, de se défaire. de recouvrer ses esprits. elle a abusé, elle s'est aventurée trop loin. sa vision est floue, ses mouvements lents. elle s’extirpe à l’extérieur, jouant des coudes avec les âmes anthropiques qu’elle croisent.

dehors, il fait froid. un frisson remonte sa colonne vertébrale, glacial. ses tiges osseuses s’emparent de son téléphone, à la découverte de ses notifications. dans sa boîte crânienne, résonne un véritable orchestre. elle regrette ses excès, tous ces breuvages alcoolisés.

apaisée par l'air frais ;
calmant sa céphalée.

lorsque, soudainement.

« — Eh, j’te parle ».

sourcils froncés ;
mirettes alertées.

elle cherchera de son regard la provenance de ce bruit.

cette nuisance, ô outrance.

« — M-, moi ?
— Oui, toi. Tu vois quelqu’un d’autre par ici ?
— Non, je ....
— T’as l’air perdue, tu veux que je te ramène ?
— Ça ira, je sais me débrouiller.
— J’en suis pas totalement sûr, tu vois ».

et l’homme approcha, tandis que les iris d'anna filèrent vers le bas. elle se sentait mal, foutrement mal. ses cellules grises étaient noyées dans ce qu’elle avait avalé, tenant à peine sur ses pieds. elle tenta de se décaler, sans succès. son épaule fût attrapée, son anatomie secouée.

brusquée.

— Tu sais ce qu’on va faire, tu vas me suivre.
— Je crois que ....
— Tu crois rien du tout, pétasse. Tu va la fermer, et tu fais ce que je te dis, c'est bien compris ? ».

La brise nocturne effleure doucement la peau, tendresse divine qu’on lui offre dans les méandres de la nuit. Lèvres étendues en fin sourire, parfois les yeux s’éternisent longuement dans le sombre des clignements de paupières, profitant simplement de la symphonie que joue la ville dans sa plus belle musique, les notes différentes à chaque coin de rue. Et il respire une dernière fois, le parfum gourmand des fleurs du Sunrise Garden. Endroit apaisant où ses pupilles s’enivrent des lignes de ses romans et poèmes. Où ses narines apprécient les nuances délicates des roses et des lilas, quand tulipes et jonquilles pointent leurs tiges, ô pétales majestueux ! Alors plus tard, les jambes, curieuses et tentatrices de découvertes, s’élancent dans une danse mystérieuse, guidant l’âme dans un ailleurs inconnu, le plaisir qui s’y glisse peu à peu. Des paysages reconnus, d’autres méconnus.

Les lumières de la rue s’écrasent contre son visage, éclairant d’autres similaires au même rythme que la mélodie qui prétend s’y mêler, et alors des paroles plus violentes pour s’y bercer. Les sourcils sont froncés, l’attitude est horrifiée tant la scène est horrifiante. Pluie d’insulte déméritée. Palpitant qui bat soudain, plus rapidement et plus fort qu’à l’habitude ; les poings se serrent brusquement, c’est inattendu venant de lui, petit poète tapis dans l’ombre mais, ô bel astre garde du corps des grands hommes ! Les paupières, cette fois, ne se ferment pas, au contraire, et les jambes s’avancent vers ces notes désastreuses que les oreilles s’épuisent à écouter dans un écœurement déplorable.

N’est-il pas, aujourd’hui, prince de la nuit ?
Peut-être est-il aussi, un chevalier ;

Princesse perdue dans des mirages nauséeux, le corps détruit à coup d’effleurement indésirable. Car les émotions se lisent comme un roman ouvert au chapitre où l’élément perturbateur se joint à l’ouvrage. Eden comme une délivrance – élément de résolution. « Anna, tu m’as attendu longtemps ? Désolé, les bouchons à cette heure-là sont pires qu’en pleine journée. » Un prétexte inventé, simplement l’espérance soudaine qu’elle se souvienne de lui. Elle ; âme désireuse de liberté, dont la mission confiée avait eu don d’échouer qu’importe la poésie qui semble se glisser dans les mots. Ni lui ni Dohyun n’avait réussi. Mais qu’importe le choix et les pensées, il n’a pas besoin d’être devin pour comprendre que l’homme n’est qu’étranger à sa vie. ( Lui aussi. ) Alors après l’esquisse d’un sourire à la commissure de ses lèvres envers la femme, Eden tourne sa tête plus froidement. La glace parcourant son visage, la colère intérieure. Que tout homme est pardonnable, hormis ses péchés déchirants. Déroutant, dégoûtant. Et alors la pureté qui émane habituellement n’est plus que mirage, et alors méconnaissable l’enfant sage devient rage. « Excuse-moi mais, pourrais-tu retirer tes mains sales de ma petite amie ? Il me semble qu’elle t’a dit non, je me trompe ? Range ta bite, elle n’est pas à toi. Ni aucune autre femme de ce monde, d’ailleurs. Pas tant que tu continueras d’abuser d’elles, c’est répugnant. » Sa main s’empare de la sienne, l’obligeant à relâcher celle de la femme, le regard sombre. Et il tord le poignet, violemment. « Tire-toi avant que j’appelle la police. » Le menace-t-il une dernière fois, les iris contemplant alors l’homme rejoindre la pénombre de la rue, les oreilles curieuses des insultes qu’on lui lance.

Mais à cet instant son attention se termine vers Anna, sa main glissant soudainement contre sa joue. « Est-ce que ce type t’a fait du mal ? » demande-t-il, inquiet pour elle.

une idiote ;
sombre sotte.

flots mouvementés, ainsi était sa psyché. tout était flou, mou. une brume habitait sa boîte crânienne — épaisse. constante, écrasante. en ses veines et artères, s’écoulait un goût amer. singulier, régulier. elle s’en voulait, ô asthénie. elle sentait son âme périr, son essence déguerpir. elle regrettait ses goulées qu’elle avait absorbé, ses breuvages digérés. en son antre, le chaos perdurait. il résonnait, s’acharnait. pourtant, elle se promettait d’arrêter à chaque fois. que cela ne se reproduira plus, que cela était la dernière fois.

mensonges et hâbleries ;
douce effronterie.

à nouveau, elle avait sombré. à son plus grand regret, puisqu’elle se faisait emporter. insistant, répugnant. l’homme, aux griffes acérées, l’emmenait. elle se démenait, se débattait. malgré qu’elle ne comprenait guère ce qui lui arrivait. parce qu’elle était embrumée, enivrée — coincée sur les flots d’un Styx agité.

« — J’vous ai dit de me lâcher ; cracha-t-elle vainement.
— T’as toujours pas compris que c’était mieux que tu la fermes ? ».

son bras s’agitait, désireuse qu’il s’en aille. il ne voulait pas lui rendre sa liberté, l’obligeant à capituler. elle voulait s’envoler, se dérober. pourtant, rien n’y faisait. elle était capturée, enlevée. et son anatomie se retrouvait tirée dans l’obscurité.

ô regret.

« — Anna, tu m’as attendu longtemps ? Désolé, les bouchons à cette heure-là sont pires qu’en pleine journée. Excuse-moi mais, pourrais-tu retirer tes mains sales de ma petite-amie ? Il me semble qu’elle t’a dit non, je me trompe ? Range ta bite, elle n’est pas à toi. Ni aucune autre femme de ce monde, d’ailleurs. Pas tant que tu continueras d’abuser d’elles, c’est répugnant. Tire-toi avant que j’appelle la police ».

élocution divine ;
discours épique.

cet échange, elle l’avait vécu. absente, errante. sa vision était altérée, ses sens étaient étouffés. cette scène ne dura quelques secondes, bien qu’elle parût durer une éternité. anna avait l’impression de tomber, incessamment. comme alice, dans le conte. perdue dans le terrier du lapin ; à attendre qu’on la sauve. acte qu’avait orchestré eden. môme endormie — ô accalmie. elle était délivrée, l’étranger l’ayant lâché. son cervelet l'affligeait, ô douleur méritée.

leçon qu’elle n’apprendrait jamais.

« — Est-ce que ce type t’a fait du mal ?
 — Eden ? ».

telle fût son interrogation, sa question. elle l’avait longuement dévisagé, sans broncher. ses traits s’étaient emparés de son esprit, lui donnant vie. elle s’approcha de lui, ébahie. elle ne remarqua pas l’homme qui s’était enfui, parce qu’elle l’avait déjà oublié. elle ne ressentait plus le déchirement qui s’était installé dans son avant-bras ; les crochets du fardier ayant marqué son épiderme. rougeurs dont la nuance s’évanouirait dans le violet, qui se noierait dans le bleuté. à cet instant, elle ne pouvait penser. réfléchir, s’enquérir. elle se rapprocha d’un pas, à nouveau.

plus proche, plus près.
— agreste promiscuité.

au milieu d’une rue agitée, elle s’éleva sur la pointe des pieds. avec douceur, ses lèvres autrefois maquillées se posèrent contre celles de son interlocuteur ; ô ardeur. vive, festive. il n’avait pas eu le temps de réagir, que déjà elle était partie. elle s’était reculée, le regard froncé.

une simple pression passagère,
printanière.

était-ce sa façon de le remercier ? nul ne savait. même pas elle, surtout elle. son index s’écrasa contre les chairs du garçon, tentant d’effacer ce qu’elle venait d’orchestrer. comme pour estomper, pour gommer — comme elle avait l’habitude de le faire avec ses esquisses.

en vain,
puisqu’il était trop tard.

trop tard pour effacer ce qui avait été fait, trop tard pour revenir sur ses actes et pensées — trop tard pour annuler ce qu'elle venait d'orchestrer.

ô gêne éphémère.

Une caresse. Geste naturellement né sur la peau délicate, l’inquiétude réelle. Quelques secondes plus tôt où cette même main venait écraser une pression douloureuse à un poignet horrifiant. Anxieux. Soudain un sentiment flottant, tant déroutant, ô amertume de l’instant ! Myocarde espère, myocarde s’empare de mille espoirs ; que peut-être la belle en détresse n’est ni touchée ni amochée. Physiquement – ou mentalement. Qu’au petit matin, une fois l’aube atteinte, les souvenirs de cette soirée ne seront que cauchemars parmi les grands rêves.

Et le silence danse. Une ronde rythmé devant eux, les iris tantôt angoissés tantôt pris d’absurdités. Il y a des regards qui ne trompent pas, ô voile indiscret. Un bandeau peu causant, les pupilles jonglent entre bras mis à nu et visage troublé. Et le prénom prononcé, à demi-mots derrière un chuchotement. Rassurant – rassuré, elle sait. Elle se souvient. Et comment sinon son inverse ? Morceau de liberté arraché aux côtés d’un compère, les mots avaient valsé sans accord.

Sourire fleuri ;
– sourire fané.

Palpitant agité. Et les corps rapprochés, plus proche encore. Les phalanges quittent la douce, se crispant en poing serré, soudain moite de timidité. Il remarque des traces similaires aux siennes. Ki Beom ne l’avait pas raté, lui qui pourtant avait orchestré cette guerre déclarée, aux couleurs éphémères de la jalousie. Terrible son nom, le péché impardonnable. Seules les pensées se troubles. Elles se mélangent au présent, laissant de côté quelques battements. Et peut-être que l’esprit souhaite s’éloigner ailleurs, le corps ne bouge pas. ( Et peut-être que le corps souhaite s’éloigner ailleurs, l’esprit ne le laisse pas. ) Soudain curieux. Ou simplement captivé. Comme de ces moments doux contés dans les pages écrites de ses manuscrits, il se laisse envoûter par l’un d’eux ; vivre cette histoire comme la dernière page d’un chapitre, ouvrant un nouveau.

Elle ne lui laisse ni le temps de comprendre. Ni le temps de répondre. Et le silence danse. Une chorégraphie illustrant la poésie nouvelle, les mouvements peignent ô combien les couleurs furent ravissantes ! Rapide – mais réelle. Quel merveilleux tableau ! Soudain frais, les rougeurs s’accaparent des joues. Et les jambes tremblantes s’épuisent à rester de marbre, les pupilles se ferment et s’ouvrent, encore et encore, ébahi. Il ne prononce pas un mot. Pas même lorsque les doigts de la femme se posent sur ses lèvres encore chaudes. Une pression furtive, néanmoins gravée à jamais. L’éternité. Il se laisse damner, l’empreinte complice de la lune, habituée.

Conscience prise sans artifices ; elle n’est qu’ombre nocturne et perdue. ( Elle ne sait ce qu’il sait. ) Ô terrible secret ! Abris des rêves, il se perd dans les méandres des illusions.


« On rentre, je te raccompagne. » chuchote-t-il. Peut-être veut-il ne pas briser cette mélodie sans bruit, soufflant des mots qui se veulent rassurants. Et dans la pénombre, son regard se pose à nouveau sur ce bras marqué, là où plus tard, sa propre main caresse la peau doucement. Inquiet. Il se souvient d’une pharmacie plus loin – paradis des soins, délices des comprimés. Et dans la pénombre, les doigts se mêlent nerveusement, le précieux moment laissé derrière eux, dans cette rue agitée d’une nuit de printemps.

détresse ;
agreste.

le silence, immense.
outrance, malchance.

elle ne savait que faire, ô sentiment amer. elle se tenait devant lui, refroidie. elle se questionnait, elle se détestait. elle s’en voulait, elle s’insultait. peut-être l’avait-elle offensé ? qu'avait-elle orchestré ? sa psyché était trop dérangée pour qu’elle parvienne à une réflexion éthérée ; délibérée. elle était enivrée, extasiée — par ces breuvages ingurgités, vil décalage. en ses veines et artères, coulaient des substances opiacées ; la rendant foutrement désinhibée.

gorgée ;
éméchée.

ses iris dilatées s’étaient enfuies, détournées. elles n’oseraient croiser le faciès de sa victime ; interloquée. elle se mordait l’intérieur de la joue, gênée. attristée, chagrinée. elle espérait de pas l’avoir blessé. ses mirettes s’étaient abaissées ; ô triste destinée.


« — On rentre, je te raccompagne ». 

ses tiges osseuses s’agrippèrent à celles de son interlocuteur ; délicate chaleur. elle ne savait l’heure, ô leurre. elle était perdue, disparue. comme absorbée dans son propre corps ; oubliée. elle s’entrevoyait, à côté. hors de son anatomie, honteusement défraîchie. son âme était traînée, entraînée. elle n’osait articuler nulle mélopée, par crainte de s’enfoncer. elle emboîtait simplement le pas à son sauveur / ô éphèbe / dans un mutisme orageux. houleux, coléreux — honteux.

jusqu’aux dires de l’apothicaire.
— interloqué, frappé.

« — Bonsoir, je suppose que c’est pour vous, monsieur ? ».

lueurs blanches ;
— franches.

les billes noirâtres de la môme vrillèrent sous les lampes ; agression. ses paupières s'ankylosèrent, ô misère. elle s’était perdue dans ses pensées, tiraillée. elle n’avait guère remarqué qu’ils s’étaient engouffrés dans une officine ; où nulle âme n’errait.


« — Non, c’est pour moi ; articula-t-elle ».

mollement, elle démontra son bras. roué, tâché. contusions bleuâtres ; acariâtres. le front de la wang se plissa, dévisageant le garçon. vaporeux, ténébreux. sa vision se figea. un instant, quelques secondes. le pharmacien s’était envolé dans l’arrière boutique, délaissant deux âmes.

« — Qu’est-ce que t’es arrivé ? ».

la pulpe de son doigté s’écrasait sur le faciès du coréen, intrigué. des entailles, des failles. son portrait était abîmé, érodé — amoché. du bout de ses phalanges, elle effleurait ses plaies.


« — C’est un simple hématome ; annonça le pharmacien. Il suffit d’appliquer cette crème deux fois par jour, cela empêchera le gonflement.
— Je vous remercie. Gardez la monnaie ».

sur le comptoir, gisait un billet — geste ostentatoire. elle venait de déposer une somme foutrement élevée. elle désirait s’éclipser, se dérober.


« — Eden, qu’est-ce qu’il s’est passé ? ».


interloquée, choquée. elle se demandait ce qu’il avait bien pu lui arriver. les opiacés qui s’écoulaient en ses veines n’aidaient en rien, puisqu’un unique détail l’obnubilait — la tiraillait, l’imprégnait. elle avait attiré son interlocuteur à l’extérieur, dans cette rue où tout se meurt.

Paysage nocturne devenu blanc neige. Porte dépassée, les corps se sont échoués à l’entrée de la pharmacie, ô souffrance mentale plus que physique ; déboire nostalgique des souvenirs en peines. Peut-être sont-ils les mêmes. L’illusion est telle qu’on considère les âmes en dérives face à la rive. Troublante – déroutante. Elle est une femme de secret et de mystère, et la beauté du monde qui ensorcelle. Il a parfois, sous la brise fraîche, l’empreinte délicate de ses lèvres contre les siennes. Quelques secondes, un instant, court et émouvant – où la pression dans le vent, s’évanouit dans le temps. Il n’y a plus rien.

Rien de plus que des souvenirs.
– Un instant gravé à jamais.

Mutisme. Un silence pesant, il enveloppe la pièce tandis que le phénix lumineux, éclaire le visage ecchymose des méfaits des jours précédents. Un court instant où les pensées ont divergé dans l’ailleurs des profondeurs – univers parallèle. Eden, paradis ; Eden, enfer. Âme pécheresse. La tête s’abaisse. Mal-être profond dans les profondeurs des méandres. Sentiments épris soudainement des émotions honteuses et misérables, ô disparition rêvée. Impossible – douce. Le regard est pénétrant, elle est poème dans le naufrage organisé à deux. Ils sont similitudes nuancés des ombres acculées. Et la question fatidique échoue au coin des lèvres, si belle et déraisonné, il s’envole à ses côtés sans lui tendre acrostiche.

Inouïe. Il s’éteint dans ce toucher aérien, délicat – captivant. Tandis que son visage est trait d’inquiétude envers elle, le sien témoigne des mêmes émois envers lui. Indiscernable, équivalent. Les yeux sont clos ; dérangés.


Et le corps se laisse faire, entraîné par la sorcière, déesse des tentations. Elle a en cette nuit calme, le goût inespéré de mille péchés mortels – et le prénom ne porte plus sens. Il s’abandonne parfois, sourire aux lèvres. Se rattrape plus tard, le réveil corsé. « Montre-moi ton bras. » Un souffle. Un murmure. Les phalanges dessinent contre sa paume des formes rondes en pointé, la crème au bout des doigts, l’hématome change du bleu au blanc, et du blanc au bleu. « Je me suis battue. » avoue-t-il. Un chuchotement. Il s’évapore dans l’océan des maux. Les aveux majestueux sans jamais plus que les yeux ne se croisent.

Chambouler, affoler. Il est gêné de ce qui ose se demander dans la pénombre glacée d’une chaude nuit d’été. Sorgue salé. À son tour les mots se prononcent clairement. « Anna, tu habites où ? » Formule la question indiscrète. Pourtant le silence s’installe, nerveux. Et l’angoisse soudaine – elle a le regard errant. Elle ne sait plus. Vague – divague.

Alors les âmes s’égarent ailleurs,

deux âmes écorchées — abîmées, fanées. à croire qu’ils se complétaient, maladroitement. honteusement, ignominieusement. telles deux pièces d’un puzzle ; brûlées par les péripéties sordides, foutrement lucides. ils s’entremêlent, s’enchevêtrent — s’entêtent. dans une apocalypse estivale, loin d’être banale.


« — Montre-moi ton bras ».

elle lui montre, l’infante. sans rechigner, sans broncher. elle se laisse manipuler, avec une confiance insoupçonnée. l’indomptée s'est calmée, délaissant ses piques acerbes et aiguisées. elle qu’on soignait, qu’on apaisait — sans qu’elle ne vienne résister.

« — Je me suis battu ».

ses iris s’éternisèrent ; ô  misère. que venait-il de murmurer ? louanges damnées, révélations froissées. son épiderme ecchymosée la tiraillait, les gestes de son sauveur l’apaisaient. ses tiges osseuses / d’une froideur exquise / venait calmer le feu qui brûlait son écorce porcelaine.

« — Anna, tu habites où ? ».

interrogation furtive ; cherchant une réponse. lointaine, soudaine. elle ne savait que dire face à ce faciès qu’elle admire. sa matière grise s’enlise, elle n’a aucune idée de la réponse qu’elle doit fournir. elle cherche, pourtant ; la divine enfant.

« — J’habite chez moi, souffla-t-elle ».

foutue logique ; qui s’effrite. elle était perdue — déboussolée, déphasée. elle entrevoyait l’endroit où elle créchait, sans pour autant être capable de l’expliquer. son front se fronça, son nez se plissa. elle réfléchissait, comme si son existence en dépendait.


de nouveau, elle s'était envolée — perdue dans ses pensées. jusqu’à ce qu’elle en soit extirpée, extorquée. elle se laissa entraîner ; par l’étreinte que délaissait les phalanges de son homologue sur son anatomie. elle n’avait aucun crainte — aucune peur, aucune terreur.

elle était apaisée, la môme. étonnement, elle n’avait aucune appréhension ; nulle agitation. elle était rassurée ; calmée. elle se laissait diriger, menée ; à travers les rues endormies d’une capitale engourdie. aux mirettes des passants, ils pouvaient être perçus comme des amants — nullement. ils étaient des âmes esseulées ; hasardeusement rencontrées. ils erraient dans les rues abandonnées, en quête d’une adresse à trouver.


une porte poussée.
antre où eden se terrait.

elle s’engouffrait, clandestine invitée. ses iris sillonnaient, vagabondaient — lorgnaient. elles s’enivraient de chaque futilité, de chaque curiosité. elle s’imprégnait de chaque objet ; à s’éterniser — comme hypnotisée. de ses songes, elle fût finalement arrachée ; lorsque la silhouette se faufila à ses côtés dans cette entrée épurée.

« — Eden, tu aurais quelque chose à boire. Comme de l’eau, s’il te plaît ? ».

avait-elle demandé, interrogation soufflée.