Byeol, elle est très douée pour s’attirer des ennuis. Depuis toujours. Honestly, rien de nouveau, la routine. Elle fouine trop, on le lui a toujours dit. Elle cherche trop. Faudrait qu’elle arrête. Qu’elle se mêle de ses affaires. Mais, vous savez quoi ? Ca, Byeol, bah elle sait pas. Elle sait pas faire. C’est plus fort qu’elle. Elle aime savoir, elle aime comprendre. Et au final, elle découvre souvent des choses qu’elle aurait mieux fait d’ignorer.
C’est pile ce qu’il était en train de se passer avec les Wang. Oh, elle n’avait rien contre eux, pas contre Anna en tout cas, bien au contraire. Elles étaient amies. Et Byeol l’adorait. Cette fille était une perle. Par contre, le reste de sa famille… Un peu bizarre. Surtout son père et son frère. Elle avait senti quelque chose, perspicace, le pif, comme on dit. Et… Et elle était certaine d’être sur le point de découvrir quelque chose. En fait, elle aurait probablement trouvé quelque chose s’il ne l’avait pas arrêté avant. Qui ? Lui. Son. Aussi diabolique que son père, ce type. A se demander d’où venait Anna, en fait. Elle ne leur ressemblait pas. Du tout. Elle était si gentille. Et Son, lui, était fourbe. Sa réaction ne faisait que conforter Byeol dans ce qu’elle pensait : il cachait quelque chose, elle le savait, elle en était certaine. Mais elle peinait à poursuivre ses investigations, pour le moment. Car Son lui mettait des bâtons dans les roues. Son faisait des petites insinuations, qui semblaient bien innocentes mais qui ne l’étaient pourtant pas. Des menaces déguisées ? Des tentatives d’intimidation ? Pour tenter de la dissuader, la dissuader de continuer.
Il l’avait appelé. Il voulait la voir, dans trente minutes. Depuis quand est-ce qu’ils se voyaient, eux ? Depuis quand est-ce qu’ils se donnaient rendez-vous ? Depuis qu’elle s’était mise à chercher dans ses affaires, incroyable hein, sacrée coincidence. C’est en traînant des pieds qu’elle finit par se rendre dans les locaux de la marque, espérant ne pas y croiser son amie… Mieux valait ne pas envenimer la situation plus qu’elle ne l’était déjà. Et après s’être présentée, on la laissa entrer dans le grand bureau, où l’attendait son nouveau bourreau. Bourreau, oui, mais pas pour trop longtemps non plus, du moins elle l’espérait. « … Tu voulais me voir ? » Avec son éternelle resting bitch face, elle se tenait face à lui, croisant les bras. Décryptage du language corporel : j’ai pas envie d’être là.  

C'était avec frénésie que les gens circulaient à cet étage. Les gens allaient, venaient, repartaient, revenaient, et le mouvement perpétuel pouvait donner le tournis. Mais c'était le quotidien de Son. Pour lui, ce rythme, c'était sa normalité. Les documents arrivaient, s'empilaient, étaient signés et repartaient. Les photos étaient examinées avec soin avant d'être validées ou écartées. Le téléphone ne cessait de sonner. Une tasse de café, une autre, et puis encore une.

Bien entendu, la pause existait. Et celle de Son était particulière. Si sa matinée avait été gérée comme une course, son après midi serait dédiée à la création. L'atelier était un autre univers. Il n'était pas le seul couturier de la compagnie, bien entendu, quelques petites mains participaient également à la confection des nouvelles collections, mais il était le principal créateur. L'atelier, c'était un espace de création, de dessin, d'aiguilles, machines, et imagination. Son quitta sa veste de costume, et défit quelques boutons de sa chemise, la sortant de son pantalon, et en remontant les manches. Place à ce qu'il aimait le plus. Il se dirigea à une armoire à code, qu'il composa, pour en sortir un énorme dossier de dessins. Des croquis, des couleurs, des morceaux de tissus pendaient de ce dossier. C'était la collection qu'il montait pour l'année suivante. Il avait en tête une robe, une robe asymétrique et extrêmement texturée. Il voulait qu'elle accentue la taille, et allonge la silhouette. Cependant, sur un mannequin sans jambes, sans tête, sans vie... Il ne pourrait visualiser la chose. Un rictus étira ses lèvres alors qu'il prit son téléphone. Ouvrant la fenêtre, il s'alluma une cigarette. Trente minutes, Byeol avait intérêt à être présente dans trente minutes.

C'est l'accueil qui le prévint de son arrivée. Il monta à son bureau, et quelques secondes plus tard, Byeol entra dans la pièce. Il se frotta les mains, son visage impassible pour le moment. "Si je ne voulais je ne t'aurais pas fait venir." Il roula des yeux. Il appella ensuite son assistante. "Sejeong, veuillez prendre le téléphone de la demoiselle s'il vous plaît." dit-il à l'attention de son assistante. "Là où on va, aucune photo n'est autorisée, donne-lui donc ton téléphone Byeol."

 

Elle était un peu venue à reculons, Byeol. Et si elle le pouvait, elle aurait volontiers fait demi-tour, là, tout de suite. Parce qu’elle attendait une réponse, mais elle n’en avait pas. Genre, sa phrase avait pour but de lui faire cracher le morceau, de lui donner la raison de sa présence ici. A la place, elle avait droit à… A zéro explication. Rien du tout. Byeol était là, plantée face à lui, tandis que monsieur la regardait d’un air impassible. Portrait craché de son père, franchement. Ils feraient deux très bons candidats pour le rôle de Miranda dans le Diable s’habille en Prada. « Hein ? » Wait. Wait wait wait. One minute please. Son portable. C’était quoi cette histoire ? Byeol s’agrippa à son sac comme s’il y avait les réserves de la Banque de Corée dedans - alors qu’il y avait à peine de quoi s’acheter un paquet de pepero dans son porte-monnaie -. Pourquoi son portable ? Et ce que disait Son empirait les choses. Il essayait de la rassurer là ? Non parce que c’était raté. Là où ils allaient, aucune photo n’était autorisée. Elle devait lui donner son téléphone. Mais bien sûr, et où est-ce qu’ils allaient justement ? Ils comptaient peut-être l’envoyer dans l’au-delà ? La noyer dans une rivière ? Non parce que, c’est clair que dans la rivière ou dans la mer, sous l’eau, les téléphones ne doivent pas être autorisés, pour sûr. C’était toujours par des bails du genre que les meurtres et exécutions commençaient dans les séries criminelles et dans faîtes entrer l’accusé. On ne la lui faisait pas, à elle.

Elle passa une bonne minute à les regarder avec de gros yeux, un sourcil levé. Ouais, une bonne minute, à la seconde près. C’était pas net, tout ça. Et elle était trop jeune pour mourir, ou pour être kidnappée, ou pour être enterrée vivante - ce qui revenait à mourir, au final - ou pour que ses organes finissent par être vendus sur le marché noir. Ses organes n’étaient pas même de très bonne qualité, ce serait une perte de temps et d’argent et du gâchis - gâchis de sa vie, surtout. Alors, bons réflexes oblige : elle envoie un petit message à son poto @hwa yunwoo avec sa localisation et en lui précisant de l’envoyer à @hwang gun aka la terreur des quartiers si jamais elle ne rentrait pas cette nuit. Des preuves, toujours laisser des preuves, une trace. C’était ça qu’elle avait appris de ses nuits blanches à mater des émissions criminelles à la télé.

« Voilà mon portable, Sejeong. » qu’elle lança en serrant les dents. Franchement, si Son n’était pas riche, elle aurait volontiers pensé qu’il l’avait faite venir ici pour la racketter. Mais puisqu’il était fourbe à la place, elle penchait plutôt pour la faire disparaître, sait-on jamais. « C’est quoi le délire en fait ? Parce que j’ai pas compris, ou alors j’ai raté un truc, hein, sait-on jamais. Dans quel genre d’endroit au monde en 2020 on a pas droit aux portables ? Même dans les bunkers ça capte. »

Il leva les yeux au ciel une nouvelle fois. Il y avait des règles strictes dans ces lieux, il y avait aussi des règles à ce jeu, et Byeol allait les connaître, les apprendre, et les appliquer. Elle s'était plongée dans ces eaux toute seule comme une grande. Personne ne l'avait invitée, personne ne lui avait permis de fouiner. Alors elle allait en payer les frais, tout simplement. Puisqu'elle veut jouer dans la cour des grands, Son n'allait pas lui en priver. L'héritier se racla légèrement la gorge, plantant son regard dans celui de la jeune femme. "Ne m'oblige pas à répéter." Ce n'était pas quelque chose qu'il avait inventée juste pour elle. Ils se dirigeaient vers l'atelier, et il était hors de question qu'une quelconque image ou dessin de ce qu'il s'y créait ne sorte dudit atelier. En étant en connaissance de cause, n'importe qui se dirait que permettre à Byeol de voir cet atelier était une mauvaise idée. Mais Son n'était pas n'importe qui.

Sejeong prit le téléphone, et devant les yeux de la demoiselle, elle l'éteint simplement. Comme pour dire que personne ne s'en servirait, comme pour faire comprendre que personne n'allait y toucher. "Il ne me semble pas avoir dit qu'il n'y aurait pas de réseau. Toi-même tu l'as dit, même dans les bunkers ça capte, donc il vaut mieux se débarrasser du téléphone." Il tourna alors la tête vers son assistante. "Tu peux y aller, merci."


D'un signe de main, il demanda à Byeol de le suivre. Ce qui était bien, c'est que mis à part les nouvelles créations, il n'y avait rien, absolument rien à cacher dans le siège social de Wang Couture. Cela faisait aussi partie du plan de Son. Byeol avait des soupçons, Byeol voulait trouver des secrets qui ne la regardaient pas. Alors, montrer patte blanche, ne ferait que la troubler. De retour vers l'atelier, Son n'avait pas dit un mot. Certains employés regardèrent le duo arriver, et l'héritier s'arrêta enfin de marcher. "Bienvenue dans l'atelier Wang." Encore un signe de main, et deux employés approchèrent, un homme et une femme. "J'ai besoin que vous lui donniez un ensemble fin." Il haussa un sourcil en regardant Byeol, comme s'il était un tant dégoûté...? "Normalement j'aurais demandé à ce que tu sois nue, mais, je n'ai pas envie de voir autant." La jeune semblait vivre un film d'horreur. "Tu vas être mon modèle vivant. Ne va pas te faire de films étranges... on ne veut pas de ça ici."