réponse — Quatre lettres que tu portes fièrement, toujours la tête haute. Le nom de ton père. Ton héros. Choi Hommage indélébile. La rage de vivre en héritage. Ye Jun Une mélodie qui roule sur les langues, qui fait parfois grincer des dents. Toi, tu préfères qu'on t'appelles YJ Souvenir d'une époque révolue. Des souvenirs qui te déchirent les entrailles. Souffrir, suffoquer, pour ne pas oublier de respirer.

réponse — T'exposes fièrement tes vingt six ans, sans oublier le et demi. Parce que oui, toi t'es du genre à fêter les demis. T'oublies jamais de souffler tes bougies, à 3h18 du matin exactement. Tout ça dans le froid de l'hiver, le 15 décembre

réponse — Ta mère elle te dit que t'es 100% coréen, mais tu rêves à des origines plus exotiques. T'aurais eu envie d'avoir un peu de sang chinois, australien, ou même anglais (Parce que t'aimes un peu trop le thé Earl Grey)

réponse — T’es fidèle qu’à ton chien Big Mac. T’as jamais eu beaucoup d’argent. T'es bien loin de la noblesse, encore plus de la royauté. Mais t'as pas besoin d'un grand nom ou d'une grande maison. Parce que tu sais que tu règnes sur le coeur de ta mère et cette place, tu l'échangerais contre rien au monde. Tu veux pas prendre parti, tu veux pas te retrouver mêlé à une guerre de pouvoir. T'as déjà la tienne à mener. Contre tes démons, tapis dans les abysses.

réponse — Le seul titre que t'as c'est monsieur quand tes élèves t'appellent. Mais t'es juste un pauvre type qui tente de survivre au milieu de cette déconcertante et immonde richesse.

réponse — Ton célibat tu te le traines depuis vingt six ans. (et demi) T'as jamais eu personne dans ta vie. T'as pas vraiment eu le temps de t'y intéresser. T'aurais pu. Avoir quelqu'un. L'amour tu sais pas ce que c'est. Tu connais le mot, ce que t'as vu dans les films. Mais toi ? Tu sais pas ce que t'aimes. Les filles ? Les garçons ? Est-ce que c'est si important ? Mais ta virginité tu penses parfois à la vendre.

réponse — Tu sais pas comment t'es arrivé là. A te tenir debout devant tout une classe de gamins. Des adolescents qu'ils disent. Mais toi à douze ans, tu savais que t'étais encore un enfant. T'avais encore cette innocence si précieuse. Bafouée. Violée. Disparue. Professeur de mathématiques. Fraichement diplômé. T'as toujours eu l'esprit vif et un Q.I au dessus de la moyenne. T'aurais pu finir dans le caniveau une aiguille dans le bras. Mais t'as foutu un coup de pied au cul au destin.

réponse. — T’as envie de dire que t’es dans la moyenne, mais t’es un peu dans la galère. Tu peux payer ton loyer, mais t’es loin de pouvoir soulager ta mère. Tu voudrais lu offrir le luxe d’abandonner un de ses boulots. Parce que ça te fais mal, de la voir trimer autant. Juste parce que t’as perdu ton père. Juste parce que la vie est une chienne

réponse — Ta mère, c'est tout ce qu'il te reste. Ton père, il est mort quand t'avais quinze ans. Tué par balle qu'on avait dit. Tu te foutais bien qu'il ait été un bon policier. Tu te foutais bien de tout ce que ses collègues pouvaient dire. Ton héros, envolé à jamais. L'amertume au fond de la gorge. La colère au creux de l'âme.

T’es qui ? Toi, tu dirais que t’es personne. Personne d’important. T’aimes pas te plaindre, dire quand t’as mal. Tu hurles toujours en silence. Une frustration destructrice. Le manque d’un père. Le manque d’un ami. Une haine contre la vie. Une vie qui t’as enlevé ton modèle, qui t’as poussé à regarder celui que tu considérais comme ton frère, à se jeter sous un train. Les nuits rythmées par les cauchemars incessants, les larmes coincées dans le fond de la gorge. Maux adoucis par la poudre blanche, par l’alcool, par toutes ces soirées où tu frôlais la mort. Par besoin. Appel à l’aide jamais entendu. Emporté par les vices, le poison dans les veines. T’es qui hein ? Un battant. Peut-être. Ou encore un gamin. Les rêves brisés. Âme rafistolée. Mais si on te posait vraiment la question. Qui es tu ? Tu répondrais simplement. Ye Jun. Professeur de mathématique. Et j'emmerde la vie.

o1. Enfant roi. Enfant intelligent. Enfant unique. T’as trouvé un frère sur le pallier d’en face. Le garçon de l’appartement d’à côté, il était ton évidence du haut de tes quatre ans. Un meilleur ami. Un confident. Des nuits passées à refaire le monde à travers vos talkie walkie. Les conneries, toujours ensemble. Les films d’horreur interdit au moins de seize ans qui vous donnaient l’impression d’être adulte. Les crêpes ratées et la cuisine foutue. Le feu dans la poubelle de l’école. Des souvenirs. Précieux. Mais bordel ce que c’est douloureux. o2. Obéissant, et bon élève, t’as pourtant toujours été un peu trop téméraire. Tu te souviens de ton bras droit cassé. Parce que t’avais pas supporté que cet idiot de Jae Hyuk il te traite de trouillard. T’avais pas peur de descendre la pente à vélo ! Et puis il y a eu le bras gauche. Après un essai pas vraiment fructueux d’un flip arrière sur le trampoline. Juste pour faire le malin devant tes copains. T’as une cicatrice sur le front, dissimulée sous tes cheveux. Résultat d’une chute lors d’une course en cours d’EPS. Quelques traces sur le reste de ton corps, vestige d’une enfance bien vécue. o3. T’as toujours eu des rêves plein la tête. Avide d’apprendre. Une curiosité jamais assouvie, jamais satisfaite. Tu connais beaucoup de choses, en particulier sur la faune marine. Tu possèdes même ton propre aquarium, en plus de ton chien ramassé dans un refuge. Un chow chow un peu en surpoids et pas toujours obéissant. T’avais prévu d’être vétérinaire, pompier ou même danseur à l’opéra. Dommage que tu sois nul en danse.  o4 T’as perdu ton père quand t’avais quinze ans. Un policier exemplaire qui t’a toujours appris à bien te comporter. Le manque. La vide. La douleur qui broie les entrailles. Comme l’impression de sentir ton coeur se déchirer, ta cage thoracique s’affaisser. Mais t’étais pas seul. Tu pouvais pas flancher, pour garder ta mère debout. Tu t’appuyais sur son meilleur ami sans même avoir conscience de sa propre détresse. Egoïste.  o5. T’as pas compris. Ce matin là. Ce qui s’est réellement passé. T’étais en chemin pour le lycée, comme tous les jours, à taquiner ce meilleur ami sur ses nouvelles baskets. Tu riais. Tu riais souvent. Tout le temps. Lui aussi. Il riait. Alors quand il s’est jeté devant ce train qui arrivait à toute vitesse. Quand t’as entendu le son de ses os craquer, le cri des passants. T’es un peu mort avec lui ce jour là. T’as perdu une partie de toi. Celle qui te donnait envie de vivre. Tu savais pas. Qu’il allait mal. Tu savais pas qu’il était homosexuel. Et tu savais encore moins qu’il se faisait harceler pour ses préférences. On lui demandait de l’argent. Beaucoup d’argent. Juste pour ne pas dévoiler certaines photos intimes. T’étais prêt à les tuer. Tous ces enfoirés. o6. Début de la décente aux enfers. Dépression dévorante. Les vices dans l’âme. Cigarette, alcool, drogue, bagarre. Incapable de supporter le silence. Le grésillement du takie walkie sans entendre le son de sa voix.  T’as obtenu ton diplôme, de justesse, avant de lâcher prise. De te noyer. Une année passée à te détruire. Tu voulais avoir mal. Tu voulais ressentir quelque chose. Tu voulais oublier ? Peut-être même que tu voulais mourir aussi ? Ta mère, elle t’as pas laissé faire. Et quand elle t’as balancé au visage les lettre laissées par ce frère qui te manquait au point de suffoquer, t’as compris. Que tu devais avancer.  o7. T’es retourné à l’école, t’as tenté de te sevrer. Pour vivre. Pour lui. T’es encore secoué par les cauchemars. C’est pour ça, que tu veux jamais dormir avec personne. Tu parles pas. Mais tu écoutes. Tu sais que t’es un bon professeur, un peu stricte parfois. Tu veux te faire respecter. Parce que t’es jeune. Parce que t’entraine l’équipe de football.
o8. T’apprends à vivre seul. Mais tu supportes toujours pas le silence alors t’as toujours la télé allumée. Ou tu lances des invitations à diner. Juste pour avoir du monde près de toi. Tu donnes des cours particuliers aux enfants en difficultés, et t’es bénévole dans un centre pour sans abris. T’essayes de rattraper tes mauvaises actions. Pour un meilleur karma. Pour une meilleure vie.