ootd - T’avais toujours l’impression de devoir te rattraper. De demander pardon pour cette année de débauche. Cette longue et terrifiante année où tu avais lâché prise, totalement dévoré par les abysses qu’était ta vie à cette époque. Tu voulais plus voir personne mourir. Tu voulais aider, alors quand t’avais passé la porte de l’association, t’étais déterminé. Ton argent, tu pouvais t’en servir à meilleur escient. Terminé la drogue. Même si parfois (souvent), tu rêvais d’une petite dose. Rien qu’une petite. On disait que t’étais sevré, mais toi, tu savais, qu’on ne l’était jamais réellement. Que tu marchais sur un fil et qu’il suffisait d’une simple brise pour te faire tomber du mauvais côté. C’était un combat de tous les jours. Un combat silencieux que tu désirais mener seul. Personne ne devait jamais savoir. Ta carrière dépendait de ce secret.

Mais aujourd’hui, tu ne pensais pas à toi, tu devais trier les vêtements donnés par les habitants et garder ceux qui pourraient servir à ceux qui en avaient besoin. C’était avec ton éternel sourire (pas toujours vrai), que tu passais la porte et maladroit comme tu l’étais tu te prenais les pieds dans un fil qui trainait, manquant de t’écraser sur le sol. Heureusement que t’avais de bons réflexes et c’était comme si rien ne s’était passé que tu disais Bonjour tout le monde !!  On disait toujours que t’étais heureux, que tu respirais la joie de vivre. T’avais envie de le croire toi aussi. T’étais obligé d’y croire. sinon, tu t’effondrerais. Tu retrouvais Mia. Elle était gentille Mia. Tu l’aimais bien. Et puis tu savais qu’elle était célèbre. T’avais même crée un compte Instagram juste pour la suivre. Alors tu penses quoi de ma tenue ?? Et tu tirais fièrement sur le bas de ton T-shirt rouge (de marque), offert par ta mère. On t’avait pas dit que superposer les T-shirt, c’était plus à la mode. Mais est-ce que tu l’avais été un jour même ? A la mode. Pas vraiment difficile à deviner quand on voyait ton pantalon remonté sur tes chaussettes beaucoup trop hautes. Toi t’es très belle en tout cas ! Tu le pensais vraiment et t’avais jamais eu peur de faire des compliments aux gens. Et elle n’était pas belle juste physiquement. Elle était bien plus que ça Mia.

ensevelie sous une montagne de sacs bien trop lourds pour elle, mia se fraie difficilement un chemin à travers les rues agitées du quartier est. le vent joue avec sa chevelure pêche et l’air marin, insolent, s’insinue dans ses narines et lui monte à la tête. comme un air de vacances, et on devine ici et là quelques touristes munis de leurs appareils photo, tentant en vain d’immortaliser l’instant présent. mais mia a une mission. elle aurait sans doute pu commissionner un chauffeur pour s’éviter les kilomètres de marche chargée de ses paquets encombrants. mais il y a le goût délicieux de l’effort, la satisfaction du travail accompli et la fierté d’avoir su donner de sa personne.

et elle donne mia.
le ménage de printemps a été effectué dans sa garde robe, ainsi que dans celle de certains de ses amis fortunés, et la voilà en possession d’un véritable trésor. le sourire aux lèvres alors qu’elle pousse la porte d’entrée du centre. loin de ses robes de designer, elle s’est vêtue humblement mia. un jean flare, un simple tee-shirt lilas et des boots blanches à talon pour lui faire gagner quelques précieux centimètres. elle n’a pas le mauvais goût d’infliger son extravagance à ceux dans le besoin. elle préfère plutôt partager un peu de son armure. c’est peut-être parce que sa vie n’a pas toujours été le compte de fées qu’elle essaie de vendre sur sa page instagram, qu’elle ressent ce besoin viscéral d’aider les autres. et elle sait, mia, le pouvoir que peut conférer une tenue parfaitement apprêtée, un sourire glossé et des joues blushées. visage de poupée qu’elle offre quotidiennement au monde pour camoufler les fêlures dans la carapace.

les bavardages vont bon train tandis qu’elle se déleste enfin de son fardeau. sans nul doute a-t-elle devant elle de longues heures de tri - mais elle ne saurait trouver meilleure utilité à son précieux temps. le sourire s’élargit sur ses lippes quand la porte s’ouvre à nouveau pour une entrée fracassante. « ya choi ye jun, essaie pas de te casser le bras pour ne pas avoir à m’aider ! » qu’elle lui lance comme bonjour, un brin de malice brillant dans son regard. elle aime bien ye jun, mia. elle aime bien qu’il s’en fiche de sa célébrité sur les réseaux et qu’il ne connaisse pas grand chose à ce monde là. c’est comme une bouffée d’air frais. ça lui fait du bien. « à deux doigts de remettre les superpositions de tee-shirt au goût du jour, je te donne des points pour l’audace. » ajoute-t-elle toujours sur le ton de la plaisanterie. ye jun a fait d’elle son gourou de la mode et elle se laisse prendre au jeu. « aller viens par là j’ai bien besoin d’aide avec cette montagne de vêtements! » geste désespéré vers les piles qui s’entassent devant elle pour balayer son compliment. les joues qui rosissent légèrement. toujours cette impression d’être une fraude qui ne mérite aucun éloge.

ootd - Tu pouvais pas vraiment expliquer pourquoi t’aimais travailler ici, mais t’avais toujours eu le contact facile. Tu savais parler aux gens. (Souvent) Mais t’avais pas su parler à ton meilleur ami, alors peut-être que tu faisais un peu trop attention aux signes aujourd’hui. Peut-être que t’avais peur de voir mourir quelqu’un sous tes yeux sans pouvoir agir. Ce sentiment d’impuissance, tu le haïssais au point de frapper dans les murs. Mais le sourire de Mia, il faisait toujours du bien. Elle savait te faire rire et tu plissais ton petit nez pour lui offrir une grimace.  Aish tu me connais trop bien !! Je devrais aller me confesser pour me faire pardonner ma paresse ! Et tu haussais les épaules. Tu aimais te faire taquiner, parce que dans le fond, tu savais, que t’étais un acharné du travail qui oubliait même parfois de dormir. Tu voulais toujours donner le meilleur de toi même. (Toujours).

Tu baissais à nouveau le regard sur son T-shirt, presque déçu. (Presque) T’y connaissais rien à la mode, tu connaissais pas les codes, ni mêmes ce qu’on appelait les fashion faux pas. Toi, tu ne faisais que ça. J’accepte les points, mais je croyais que c’était cool de faire ça ! T’avais vu ça dans un film. Un vieux film. Trop vieux. Tu te demandais comment elle faisait pour être toujours aussi apprêtée, aussi fraiche. Tu remontais tes manches (inutiles du coup) pour lui venir en aide et commencer à observer chaque vêtement avec beaucoup d’attention. Je suis sûr que t’as encore ramené plein de trucs… T’es sûr que t’as encore des fringues chez toi ? Elle était généreuse Mia. Et t’aimais ça. Son côté humble. Cette facilité avec laquelle elle se laissait approcher sans regarder de haut. Y’avait sûrement des gamines de ta classe totalement subjuguées par cette femme. Et peut-être qu’un jour tu les rendrais jalouses. En disant que toi, tu la connaissais. On te prenait pour un ringard, tu savais qu’on te croirait pas, mais tu trouvais ça amusant. (Un peu trop)

Tu crois que… je devrais faire comme ces mecs qu’on voit à la télé ? Le maquillage ? Sûrement un carnage si on te laissait faire. Tu savais même pas qu’il existait plusieurs pinceaux. Peut-être que t’en avais assez de ta solitude ? Que tu voulais plaire. (Juste un peu). Attirer l’attention mais pas parce que tu superposais tes T-shirt, mais simplement parce qu’on pourrait te trouver beau ? T’étais un peu perdu. Les relations, c’était pas vraiment ton truc. On m’a déjà dit que j’avais l’air d’un vieux. Tu trouves ? Ton attitude. Sûrement. Et ce ton paternaliste que tu avais tendance à employer alors que tu n’étais même pas si proche de la trentaine.

les taquineries sont faciles ((trop)). une pièce de plus dans l’armure derrière elle se cache depuis tant d’années - elle ne sait plus faire sans. des yeux pétillants, des sourires éclatants, et sa petite voix de poupée contre laquelle on ne saurait se fâcher. ni trop timide, ni trop directe, l’équilibre perfectionné par des années de pratique en société. toujours peur d’être trop ((l’enfant qui prenait trop de place)). mais ce centre, c’est comme son havre de paix à mia. l’endroit où elle parvient à exister sans réfléchir au moindre de ses gestes, sans la pression de devoir être parfaite. parce qu’elle est insignifiante face à la misère des autres, parce qu’en essayant d’aider elle en dit plus sur elle que les mots sortant de ses lippes ne le pourraient jamais. c’est la vraie mia qui refait surface, pas la poupée à l’apparence millimétrée que le monde pense connaître ((mais pas vraiment)).

rire cristallin qu’elle laisse échapper en voyant que ye jun se laisse prendre au jeu de ses moqueries. elle feint un geste indigné en réponse à la paresse supposée. elle a passé assez d’heures entre ces quatre murs avec lui pour savoir qu’il n’est pas réellement le genre à rechigner devant l’effort ((au contraire)). elle ne sait pas vraiment pourquoi il donne de son temps avec tant d’acharnement - elle peut juste deviner mia, qu’elle n’est pas la seule à planquer quelques fantômes dans ses placards. alors elle se laisse volontiers aller aux conversations un peu futiles, de celles qui apaisent l’âme comme une couverture chaude. « tu veux savoir un secret ?l’important c’est de croire que c’est cool. tu peux porter n’importe quoi avec confiance, si t’as l’air sûr de toi les gens penseront ça cool. » peut-être que la technique ne fonctionne pas avec absolument tout, mais une superposition de tee shirts n’a jamais fait de mal à personne. et elle ne peut s’empêcher d’avoir un pincement au coeur en sentant la pointe de déception dans la voix de ye jun.

ils trouvent leur rythme facilement, les tas de vêtements qui ne ressemblaient pas à grand chose prennent la forme de piles bien nettes. « t’inquiètes pas pour moi. c’est moi qui devrais me confesser, j’ai encore bien plus d’affaires que je n’en ai réellement besoin. » parce qu’elle avait eu la chance de naître teji. elle se sentait embarrassée parfois, de n’avoir rien accompli par elle même. même sa célébrité sur les réseaux sociaux, elle mentirait en disant que son nom n’y est pas pour quelque chose. mais elle n’a pas envie de s’épancher. pas ici, pas dans un rare moment de liberté. alors les questions de ye jun sont une distraction bienvenue. « tu veux que je t’apprenne à mettre de l’eye liner ? ça te donnerait un côté brun ténébreux. » des années passées à camoufler toutes les imperfections derrière des fards et des poudres. s’il y a bien une chose qu’elle maîtrise mia, c’est son apparence. « tu traînes avec trop d’ados monsieur le professeur. même moi ils me trouveraient ringarde, faut pas t’inquiéter pour ça. » elle ne la connaît que trop bien, la cruauté des enfants.