elle entend à peine son téléphone vibrer, noyé sous les airs de piano raffinés d’un célèbre compositeur russe. elle s’use les pieds sur le parquet ciré de son studio de danse privé, regard critique lancé vers le miroir qui lui fait face. éternelle insatisfaite, sous le joug d’un perfectionnisme qui va peut-être ((trop)) loin. elle ne compte plus les heures passées à perfectionner posture et souplesse, poussant son corps dans ses derniers retranchements et s’épuisant l’âme en ne se trouvant jamais tout à fait satisfaite de son reflet. stricte discipline qu’elle aurait pu s’infliger encore des heures durant, sans l’intervention de jia lin. l’appel est bref ; il n’a jamais été dans les habitudes de son amie princesse de s’attarder au bout du fil. l’envie de décliner pour s’éreinter encore un peu se fait alléchante, mais mia finit par céder aux délicieux caprices de son amie avant de raccrocher. les invitations prennent plus l’air de convocation sous le ton impérieux de la chinoise, mais elle ne s’en formalise pas. il y a quelques temps qu’elles ne se sont pas vues, et la japonaise n’est finalement pas du genre à cracher sur une journée entre filles.

le temps s’étiole et plusieurs tours d’aiguille sont révolus avant qu’elle n’arrive finalement sur le lieu du rendez-vous. apprêtée comme à son habitude, visage de poupée aux joues parfaitement blushées et aux lippes glossées. ses cheveux arborent en ce moment une teinte pêche orangée ((jusqu’à son prochain caprice au salon de coiffure)). vêtements de designers qu’elle se permet de sortir pour l’occasion, allure altière jusqu’à ses ongles parfaitement vernis. si mia sait se montrer humble quand l’exigent les circonstances, les sorties avec son amie mannequin peuvent donner lieu à toutes les extravagances. « je vais bien et toi ? » la salue-t-elle en lui laissant coller une bise sur sa joue - salutation distinguée d’inspiration française. « sans toi j’aurais passé la journée enfermée à danser, une virée shopping me fera le plus grand bien. d’ailleurs j’ai repéré un sac adorable dans une boutique, il faut absolument qu’on y passe. » déclare-t-elle d’un ton enthousiaste. la mode est leur passion commune, toujours là l’une pour l’autre pour se donner quelques conseils fashion et leurs collaborations sur les réseaux sociaux atteignent des nombres de likes mirobolants. « alors, dans quels scandales t’es-tu fourrée depuis la dernière fois qu’on s’est vues? » demande-t-elle sur un air de conspiration en s’installant avec son amie à l’arrière de sa voiture. les histoires de coeur figurent parmi les sujets de prédilection de la chinoise, et mia ne peut parfois s’empêcher d’admirer la liberté avec laquelle elle appréhende le sujet. si elle s’amuse des rumeurs naissant du silence radio qu’elle a imposé sur sa propre vie amoureuse, la réalité n’en est que moins reluisante. sa dernière ((et presque unique)) expérience n’est pas un de ses plus beaux moments de fierté.