yoon sang (윤 상) — famille inconnue des yoon, perdue dans la foule, incapable de faire quoique ce soit d'un nom qu'on souhaiterait pourtant s'élever. papa, maman, vous avez tout gâché. on l'a affublé d'un sang désastreux, bien trop souvent associé à l'idée de quelque chose de commun, on aurait tendance à l'oublier à peine se trouve-t-il prononcé. à croire que tout était fait pour prédire l'inexistance de sa destinée.

24, 21/06/96 — la fâcheuse tendance à oublier les années qui passent, à se réveiller le vingt-deux juin et jurer parce que, fait chier, il a encore oublié. c'était l'excuse parfaite pour partir en soirée, s'échapper, s'esquiver dans les rues et rentrer bien trop bourré, le cerveau éclaté. sang, ça l'fait chier. il ignore les personnes pouvant bien lui souhaiter, encore plus quand c'est sa mère qui s'y colle -- solstice d'été n'est synonyme pour lui que d'une raison pour s'imbiber.

coréen — ça n'a jamais bougé, jamais changé -- trop de générations se sont enchaînées (au sens littéral du terme, on ne compte plus les yoon ayant finit en prison à travers les années). sang, ça lui plaît. il l'aime bien, sa corée -- même s'il s'est parfois rêvé japonais.

neutre — il n'a pour la politique qu'un regard lointain, les échos des autres, les trépignements des parents. adolescent toujours à vingt-quatre ans, il ne se renseigne pas, ne sait pas, ça ne l'intéresse pas. et si on lui pose les questions, on le verra hausser les épaules, mordre l'intérieur de sa joue, changer de sujet discrètement. laissez le dans son coin : il y est très bien.

rien à déclarer — ils n'ont jamais rien accompli, les yoon, auraient plutôt tendance à se faire connaître par leur goût prononcé pour la vanité. pourtant, personne ne les envierait -- issu d'une classe sociale basse, sang fils de travailleur ayant échoué, d'une secrétaire qui rêve, rêve, rêve. la grandeur les obsèdes, mais pas lui.

célibataire, pan — une pansexualité qu'il s'est empressé d'embraser, il ne s'est jamais arrêté à autre chose que son instinct pour se laisser aller dans les bras de quelqu'un. voyageur de lit en lit, et le genre importe peu, non, tout ce qu'il compte, c'est ce qu'il ressent -- sang, il ne ressent rien. son cœur ne s'est jamais enflammé à la seule vue d'un être qui l'attirait.

batteur, bagarreur — le rythme dans la peau mais surtout dans les poings, il s'est vite fait connaître le gamin à force de frapper dès que quelque chose le dérangeait. à l'idée d'agacer ses parents, il a tout fait pour s'échapper de la brigade dans lequel on l'a forcé à s'engager -- il a tout lâché. le voilà avec le groupe à enchaîner les concerts les vendredis, finir les mains en sang à force de s'acharner sur sa batterie, et se battre au beau milieu de la nuit parce que l'alcool a trop coulé. à l'opposé de ce que l'on pourrait imaginer, on l'a déjà croisé dans un petit café librairie, derrière la caisse à pianoter sur le comptoir les rythmes qu'il a dans la tête.

pauvreté — poches trouées, chaussures délavées, il n'a jamais eu grand chose pourtant il n'a pas l'impression d'en manquer. sang, il a ce sourire vicieux aux lèvres quand on lui fait remarquer que, quand même, faudrait p'têt s'acheter un nouveau jean. la langue vipère dès qu'on lui propose une session shopping, quoi, j'suis pas assez bien pour toi, c'est ça ? il s'est toujours contenté de peu, n'a jamais cherché à acquérir quoique ce soit de plus que ce qu'il a durement gagné. bon dieu, laissez le en paix.

chaotique — papa, maman, on s'est jamais apprécié. arrêtez les faux semblants, vous vous êtes jamais comportés comme des parents. vous avez toujours voulu que de l'argent. j'suis pas une vache à lait, papa, maman, arrêtez, j'veux plus entendre parler d'vous. et laissez la, s'il vous plaît, laissez ma petite sœur en paix.

on dit de lui que c'est un gamin incompétent, vous savez, il a tout gâché cet enfant. il a refusé de grandir, se fait passer pour un martyr. ses parents, ils en parlent comme d'un tableau pas très reluisant. un brouillon pour le chef d'œuvre qu'a été sa sœur. pourtant, sang, c'est rien de plus qu'un incompris, le genre de garnement qui a utilisé ses poings comme d'un moyen d'se faire remarquer et apprécier. ses amis diraient qu'on peut toujours compter sur lui, qu'il a une carapace compliqué à dépasser, un cynisme mordant et le sang chaud, au fond c'est juste un petit con. lui, il hausserait juste les épaules et marmonnerait que d'toute façon, personne l'connaîtra jamais.

o1. le goût du sang sur la langue quand il la mord un peu trop, il a la face ennuyée, l'envie de décamper. c'est ces repas de familles qu'il tente pourtant habituellement d'éviter, c'est ces repas de familles où il se retrouve coincé à la table des enfants alors qu'il a déjà quinze ans. c'est un grand, maintenant. à ses côtés, iseul qui sourit, du haut de ses onze années, qui attrape sa main sous la table, et sang, il se calme, écoutes le sang battre dans ses tempes, décide de ne pas faire un scandale, pour elle, c'est toujours pour elle. et tant pis si sa mère continue de s'acharner sur son fils aîné. o2. les jambes croisées sur le bureau, il y a du sang sur ses mains. il s'est encore bagarré. envoyé chez le directeur sans tergiverser, sang, c'est fini, vous êtes renvoyez. et ce sourire amusé qui vient étirer ses lèvres, son index et son majeur qui se portent à son front avant de les envoyer en l'air, hasta la vista qu'il balancerait. mais il a fait trop de dégâts (( seize ans déjà )) le voilà renvoyé de la brigade royale! et sa mère qui hurle, et son père qui lève le bras (mais jamais il ne s'abat, il ne le frappera pas). et sang qui, encore, hausse les épaules, ça l'amuse. tant pis, s'ils sont contrariés, après tout, il n'a jamais cherché à se faire apprécier. o3. il y a le sang qui se mêle à la sueur quand il passe une main dans ses cheveux trempés -- il prend à peine le temps de se recoiffer, sang, qu'à nouveau les baguettes s'écrasent sur les différentes caisses. il n'entend plus les autres, il n'y a rien que le rythme qui emplit son esprit. la seule chose réellement capable de le calmer depuis qu'il a quitté la maison familiale, laissant iseul et son air enfantin. il lui a sourit, en partant, lui a dit, tu sais, tu peux m'appeler quand tu veux, mais elle l'a pas beaucoup fait. elle réussit bien, iseul, et lui, il est là, au fond de cette salle, à taper bêtement sur différents instruments, à apprécier l'engouement des fidèles qui viennent les regarder à chaque semaine. o4. ça parle de sang et de sentiments, et la tête plongée dans le bouquin sang il n'entend pas la cloche retentir quand la porte s'ouvre, il ne se rend pas immédiatement compte que quelqu'un se tient devant lui. il faut un raclement de gorge pour qu'il redresse enfin les yeux. il se veut un minimum poli, mais jamais souriant, il haussera les épaules quand on le remerciera, et se replongera presque immédiatement dans sa lecture. et plus tard dans la soirée c'est son patron qui le prendra par l'épaule, lui dira, écoutes sang soit un peu plus aimable si tu veux une promotion, mais sang, il en a rien à faire de tout ça. ils comprennent pas, lui, il veut juste disparaître. et s'il pouvait arrêter d'se pointer et s'contenter d'jouer, il le ferait. mais c'est pas aussi simple, pas vrai ? o5. quand le poing s'abat sur sa mâchoire, il y a le sang qui tombe sur le trottoir. et bientôt, la voix de saem qui s'exclame, plus loin dans la rue - ah, ça y est, il l'a remarqué. probablement qu'sang serait capable d'le mettre seul à terre, après tout, il a de l'expérience dans la bagarre, pas vrai ? mais allez, il va pas faire la fine bouche -- et il est quand même bien content qu'on vienne l'aider. à deux il n'suffit que d'quelques minutes pour   qu'le combat s'termine, et qu'le décoloré n'crache au sol du sang, encore, avant d'essuyer sa bouche d'un air rageur. saem, il demande jamais pourquoi -- il est comme ça, il fonce dans l'tas. et p'têt bien qu'c'est pour ça qu'sang sera toujours prêt à faire pareil d'son côté, quand bien même les deux aient parfois des rancunes l'un envers l'autre. o6. il y a les traces de sang sécher qui tapissent la planche sur laquelle il roule constamment. il y a les gens qui l'insultent quand il les bouscule dans la rue, il y a le majeur tendu droit devant lui et cette envie de tout envoyer valser. parfois, sang, il s'demande bien s'il va un jour arrêter -- arrêter d'tous les détester, enfin, c'est même pas tant les détester. c'est juste n'pas les aimer. avoir si peu d'attrait à leur égard, n's'intéresser à personne d'autre que lui-même. lui et ses amis, quand même, lui et iseul. iseul qui grandit et qu'il ferait tout pour protéger de ce monde impétueux dans lequel ils vivent. iseul qui s'élève quand lui s'enfonce.