La tête baissée, Yeji se dirige vers la chambre d’hôpital où a été dirigé son frère pour les vérifications. Un pied devant l’autre, les bras se balançant artificiellement le long de son corps comme le feraient ceux d’un robot réglé, sa tête est vide de pensées mais pleine des cris de désespoir qui la hantent, comme si l’attentat venait de se produire, comme si autour d’elle régnait encore la panique de tout à l’heure. Mais c’est calme maintenant ; en dehors des médecins qui semblent préoccupés, le nombre anormalement élevé de gardes du corps qui la suit ne paraît pas particulièrement perturbé. Sa propre blessure n’est plus du tout douloureuse depuis qu’elle a été soigné une seconde fois par le matériel expert de l’hôpital. Elle pourrait presque croire qu’il ne s’est rien passé du tout, si sa robe n’était pas encore entachée du sang de Saem. Saem qu’on lui a arraché dès qu’ils ont pu le faire. Saem qui a été le seul à venir à sa rescousse au moment de l’explosion.

Mais même l’immense amour et désolation qu’elle ressent pour son meilleur ami n’égalent pas ceux qu’elle ressent pour son frère. Les appels étaient restés sans réponse et elle n’avait eu aucune nouvelle de lui pendant plus d’une heure. Une heure à s’imaginer les pires images, à le penser mort, jusqu’à ce qu’on lui informe qu’il a été amené à l’hôpital et qu’il la cherchait aussi. Devant la porte de la pièce réservée à Yesun, Yeji reste figée, hésitante, tremblante. On lui a informé que la vie de son frère n’était pas en danger mais la peur de le trouver gravement blessé persiste et l’immobilise de longues secondes.

Puis elle prend une grande respiration, fait glisser la porte et rentre à l’intérieur. Tout de suite, le silence la frappe ; mais elle ne sait pas quoi dire. Sans qu’elle ne parvienne à le contrôler, elle est déjà en train de pleurer - encore - tandis qu’elle se dirige vers lui. Yesun va bien. Du moins, il n’est pas le cadavre ensanglanté qu’elle avait imaginé. D’un coup, tout ce qui s’est passé semble remonter à des années. Tout ce qui lui importe, c’est qu’il aille bien. «  Est-ce que… je peux te prendre dans mes bras ? » Elle n’aurait jamais posé cette question en temps normal. Elle lui aurait sauté dessus, l’aurait serré contre elle sans lui demander. Mais peut-être qu’il est blessé. Peut-être qu’il a mal. On lui a dit les résultats des examens de son frère, mais elle était tellement préoccupée qu’elle n’a rien retenu. Et sa voix se fait peut-être trop basse pour qu’il ait entendu sa question.