Qu’est-elle venue faire ici ? qu’elle se demande tandis que son garde du corps l’escorte à travers les corridors jusqu’au balcon réservé à son intention. Ce n’est pas dans ses habitudes de prendre une décision sur un coup de tête, de troquer le confort de sa chambre pour l’extravagance d’une salle d’opéra, mais Haeun s’était sentie acculée car c’était peut-être sa dernière chance de l’atteindre. Hara, son unique sœur et pourtant dans son quotidien son existence est spectrale. Culpabilité qui la ronge quand ces deux syllabes lui sont mentionnées, souvenirs douloureux qui resurgissent qu’elle a peur de confronter au risque de répéter ses actions passées. L’heure d’y faire face est pourtant venue.

Aux premières notes de l’orchestre, elle porte ses jumelles à hauteur de ses yeux, désireuse de profiter du spectacle malgré ses nerfs à vif. Le ballet n’est pas un art pour lequel elle est familière, intérêt qui ne s’est jamais manifesté et cela malgré sa tendance de tomber amoureuse des passe-temps de ses aînés. Ainsi, d’une pièce, elle n’est en mesure d’en apprécier que les décors et l’élégance déployée par le corps de ballet, affection superficielle malgré sa sincérité. Si elle ignore la technicité des mouvements, elle ne peut qu’être émerveillée quand Hara entre en scène. Myocarde empli de fierté quand elle la regarde évoluer sur scène, et pourtant ses sentiments se font confus, partagés entre la mélancholie et la jalousie. Malgré les années, Haeun n’a pas changé faut-il croire, éternel oisillon aux ailes paralysées par la peur qui observe les plus grands prendre leur envol avec envie.


Quand la représentation se termine, elle a l’impression de sortir d’un songe. Son garde du corps attire son attention, elle se lève donc, lisse la jupe de sa robe d’apparat avant d’annoncer d’une voix claire qu’elle souhaite se rendre dans les coulisses afin de voir sa sœur. Demande qui étonne mais rien ne lui est refusé, privilège de la royauté. Elle est ainsi conduite jusqu’à la loge de Hara, chaque pas plus lourd que le précédent et elle sent le courage commencer à lui manquer. Légère inspiration prise avant d’entrer et malgré cela les mots lui échappent quand Haeun se retrouve face à elle.

« Bonsoir. », qu’elle souffle hésitante et elle grimace, impressionnée du peu d’éloquence dont elle fait preuve alors même que la rhétorique lui est enseignée. La dernière conversation qu’elle ait eu avec sa sœur remonte à quelque temps, juste après son accident de voiture. Si elle s’en souvient bien elle avait longuement pleuré, trauma encore frais à la pensée qu’elle aurait pu la perdre, aussi brusquement que leur père.

« Désolée de ne pas t’avoir prévenue de ma venue. C’était en tout cas vraiment magnifique. » admet-t-elle, joues qui rougissent aux prochains mots qui passent la barrière de ses lèvres. « Tu étais éblouissante.» Compliment sincère malgré la pointe de jalousie qui s’entend dans son ton.