Khan Haeun — trois syllabes sur l’acte de naissance royal mais une seule qui importe. Grandeur d’un nom qui la dépasse encore malgré le poids des responsabilités qui pèsent déjà sur ses épaules. Prénom évoquant l’été, la gentillesse et la compassion auquel elle s’efforce de faire honneur.

20/03/2006 — quatorze années d’inexistence. Corps qui se transforme, bourgeon qui éclot comme une ode au temps qui passe, à cette maturité qui commence à transparaître dans les traits de son visage. Enveloppe charnelle qui héberge pourtant un cœur enfantin qui s’émerveille encore devant un arc-en-ciel colorant les cieux après une averse d’été. Un cœur rempli d’espoir que maman aimerait durcir.  

Coréenne — pureté des origines qui légitimisent les pierres précieuses que ses intendants apposent sur sa tête royale. Royaume qui l’a vu naître et qui la verra certainement mourir, comme un cycle sans fin.

Lignée Khan — cœur débordant de fierté pour les siècles d’histoire qui coulent dans ses veines. Petite, c’est la tête pleine de contes de fée qu’elle arpentait le palais dans l’espoir d’apercevoir les membres de cette grande famille qu’elle comparait aux héros de ses contes. Aujourd’hui elle pleure cette réalité, espère encore que les âmes meurtries, les sourires de façade et l’aigreur soignée par l’alcool ne sont qu’une autre illusion de son cerveau. Loyauté à sa famille exacerbée depuis la mort de son père, elle s’accroche à ceux qui sont encore en vie de peur de les voir, eux aussi, disparaître brutalement.

Princesse — dos droit et menton levé, expression neutre malgré son envie de sourire. Apparence aussi soignée que ses manières, et c’est là sa seule fierté. Son altesse est élégante et docile, ce que ses dames de compagnies et gardes du corps apprécient car elle leur facilite souvent leur travail. Princesse dont l’existence est souvent oubliée si son nom n’apparaissait pas sur les registres royaux, car Haeun se confine le plus souvent dans ses quartiers, angoissée par la ville qui s’étend au-delà du palais malgré son désir brûlant d’un ailleurs.

... — joues rosies par les premiers émois, amours éphémères tels un remède à la monotonie de sa vie royale. Elle tombe amoureuse d’un regard à travers les écrans, en parle à ses intendants qui ne peuvent que sourire face à l’innocence de l’adolescente. Jamais elle ne se fourvoie pour autant, sa loyauté envers sa famille la poussera, avant tout, à chercher un parti qui saura les honorer.

Princesse en formation — éducation stricte demandée par son rang, mais les attentes de sa mère pèsent davantage sur ses épaules que celles de ses tuteurs. Peur de l’échec qui l’enchaîne malgré son travail acharné, les révisions jusqu’à tard dans la soirée pour tenter d’atteindre un niveau qui lui vaudra la fierté de sa mère. Un niveau de plus. Puis un autre. Il faut toujours plus, être meilleure, être la première. Ni facilités, ni talents innés et une anxiété qui prend de l’ampleur plus les années passent, impression qu’elle perd contrôle, envie folle de tout arrêter.

faste — dorures qui courent le long des murs, parent ses vêtements, pendent à ses lobes.  

Benjamine — dernière de la branche tertiaire des Khan, le maillon faible, l’insipide. Ô douce Haeun, pâle copie d’une mère qui s’est toujours battue pour être reconnue, respectée au-delà de son simple statut de princesse, d’un frère aîné qu’elle savait être la fierté de feu leur père. Volonté de plaire maladive, fillette diagnostiquée d’un manque de caractère comme une maladie qu’il faudrait soigner, et déjà le savoir que les yeux de sa mère seront toujours teintés de déception. Tendresse d’un cœur qu’elle veut croire être une force, mais les doutes l’assaillent et peu à peu elle perd pieds.

Docilité d’une fleur que certains haïssent et que d’autres encouragent. Haeun se cherche entre les protocoles et les attentes de son entourage, crise identitaire depuis que les yeux de sa mère se sont durcis. Devant le miroir elle voit le reflet d’une fille qu’elle ne connaît pas. Sourires tamisés et diplomates qui remplacent les fous rires de sa jeunesse quand l’anxiété du futur ne pesait pas encore sur ses épaules. Obéissance vue comme une faiblesse, petite princesse fragile que tout le monde pense pouvoir manipuler à leur guise, apposer leurs empreintes sur son âme d’enfant. Horrible vérité qui s’est révélée à elle quand le deuil l’a poussé à murir, car le monde qu’elle idéalisait tant s’est tout d’un coup effondré pour lui montrer une facette qu’elle n’aime pas. La magie qu’elle trouvait dans les parterres de fleurs s’est évaporée en même que les supers pouvoirs qu’elle accordait aux membres de sa famille proche et éloignée ont disparu. Instabilité. Solitude. Fatigue d’une vie qui a à peine débuté. Prisonnière d’angoisses qui se développent plus les grains dans le sablier qu’est sa vie s’écoulent.

Tout comme son corps, Haeun se transforme. Son dos se redresse, tête levée et démarche assurée, elle joue la carte de l’élégance, s’évertue de s’imposer malgré sa place dans la lignée. Ses manières sont impeccables, résultat de leçons de bienséance dans lesquelles elle excellait. Elle a appris à mentir, même si cela est fait à travers des dents serrées et que la culpabilité l’habite. Essaye de prioritiser la raison plutôt que ses envies, de ne pas laisser ses émotions troubler son jugement. Masque qui aurait pu s’avérer parfait, mais Haeun n’est pas bonne actrice. Trop sincère, trop émotive, trop indécise. Trop, trop, trop. Et là apparaît la contradiction de son caractère. Poupée de porcelaine qui donne de soi sans compter, mais jamais elle ne sera assez.

Quand bien même elle tente de refroidir son cœur, sa tendresse est omniprésente. Traitrise d’un cœur qui se laisse séduire au moindre son, à la moindre attention, au moindre regard. Même si le monde a perdu de ses paillettes, elle n’a pas fini d’aimer, de trouver dans les rayons de soleil une énergie, dans les arcs-en-ciel un espoir. Sa voix porte une douceur que les épreuves n’ont pas réussi à taire ; elle rêve d’aider, de faire naître un sourire sur le visage des autres, espère que plus tard elle volera de ses propres ailes, que son touché apportera réconfort à quelqu’un. She is as gentle as a cloud but loves with a fury of a storm.