vingt-deux heures tapent et yesun daigne enfin sortir de sa chambre. les murs de la cage dorée sont froids, l’impression qu’ils le regardent et le jugent alors qu’il se faufile entre les couloirs sur la pointe des pieds…voleur dans son propre palais. le moindre bruit le fait sursauter ( il n’a pourtant rien fait de mal - pour l’instant ).
il a goûté une nuit à la liberté. un gars bizarre qui l’a embarqué sans qu’il n’ait vraiment le choix (du moins c’est ce qu’il se répète pour se dédouaner). et pendant toute la soirée, ses seules pensées étaient ‘ je me demande comment fait yeji pour autant s’amuser ‘
il était trop occupé à s’inquiéter, bouffé par l’anxiété d’être 1) reconnu 2) retrouvé. alors non, la soirée ne s’était pas bien déroulée. le coeur encombré par les doutes et la peur du danger - de l’inconnu.
et pourtant…
pourtant il a envie d’essayer. forcer un peu. donner une seconde chance à la liberté avec une experte en la matière. yeji gamine sauvage, elle semble être la seule à avoir dompté la nuit. elle peut lui apprendre. et si ça ne marche pas, alors yesun se rendra à la terrible évidence qu’il n’est fait que pour écouter, rester sage et acquiescer.
messages échangés alors qu’ils ne sont qu’à quelques mètres dans leurs chambres respectives. yesun qui partage ses doutes, yeji qui lui demande de commencer à vivre. et en réussissant à éviter des gardes du corps, il se rend compte qu’il fera la connaissance de minseo ce soir (depuis le temps qu’il entend parler d’elle). lui aussi devra t-il créer un alter ego ? l’idée l'amuse et il sourit pour lui même devant la porte de la chambre de sa jumelle.
le brigadier gardant les lieux s’incline face à sa petite altesse, et il ne devrait pas, mais ce dernier lui rend la révérence. lui souhaite une bonne soirée alors qu’il toque cinq fois contre la porte en bois. code pour signifier que c’est lui qui s’apprête à entrer, et pas quelqu’un d’autre. brèves secondes à attendre avant qu’il n’entende la voix fluette de la soeur l’autoriser à pénétrer dans ses appartements. porte ouverte délicatement, fermée de la même manière. il avance lentement, ses pantoufles de maison frottent contre le parquet ciré. « tu m’expliques comment on va se débarrasser du garde devant ta ch-…attends » ses yeux s’affolent sur les accoutrements jetés sur le lit - particulièrement la touffe de cheveux qui repose sur l’oreiller. « c’est quoi, tout ça ? » quelques secondes pour comprendre…le regard désespéré vient s’affaisser sur le visage familier de sa soeur. il secoue la tête. « non. hors de question, yeji. »

L’excitation grogne comme jamais en Yeji. Elle ne se rappelle plus de la dernière fois qu’elle a ressenti un sentiment aussi puissant en elle. Apprendre, il y a quelques jours, que son frère allait fait les premiers pas vers la liberté en fuyant le palais l’avait déjà rendue extrêmement heureuse – le sentiment qu’il s’ouvrait enfin au bonheur. Elle l’avait bien entendu aidé dans cette démarche comme il le faisait à chaque fois qu’elle fuyait de nuit pour aller s’amuser mais vu l’état de son frère le lendemain, elle comprit vite que ça ne s’était pas passé aussi bien qu’elle l’aurait espéré. Peut-être parce qu’elle était jeune à l’époque, ou juste que son caractère se retrouve naturellement mieux dans la liberté que dans l’oppression, elle se rappelle que lors de sa première sortie, les choses s’étaient passées extrêmement bien. Elle revivait par moments ce jour où elle a découvert des émotions qui lui avaient été interdites jusqu’alors.
Elle prend son téléphone pour répondre à son frère, un grand sourire sur ses lèvres trahit sa joie. Elle ressent de l’adrénaline, Yeji, une adrénaline qu’elle n’avait pas ressentie depuis longtemps, l’adrénaline de faire quelque chose pour la première fois – car fuir avec son frère, elle ne l’avait jamais fait. Elle l’avait imaginé de nombreuses fois mais jamais son frère n’avait paru fin prêt à ouvrir ses ailes pour s’envoler. Maintenant que le moment est arrivé, elle ressent qu’elle va pouvoir partager quelque chose en plus avec lui et elle sait que ça va encore plus les rapprocher.

Les affaires prévues pour son frère déjà jetées sur son lit depuis plusieurs heures – l’impatience l’avait empêché d’attendre plus longtemps – elle ne peut retenir un gémissement d’excitation en entendant les cinq coups contre sa porte. Dans son ventre, il y a comme une boule qui s’est formée, loin d’être désagréable. Le ton de sa voix quand elle lui autorise à rentrer trahit son excitation, elle sait qu’elle devrait mieux le cacher, parce que le garde est juste là, qu’il entend tout, mais ses talents d’actrice ont une limite – précisément celle-ci. Elle n’a jamais su cacher son excitation Yeji, comme si elle était née pour ne ressentir que ça et l’exprimer. Les yeux brillants rapidement levés au ciel par le sérieux de son frère, elle soupire. « Écoute, petit frère » Et elle souligne ces quelques mots qu’elle sait incorrects car ils sont jumeaux. « Sortir sans déguisement tout seul, c’est dangereux mais ça peut passer. Mais sortir sans déguisement tous les deux, c’est du suicide. Deux têtes connues, ça augmente les chances d’être reconnus. D’habitude, je réponds à ceux qui me reconnaissent que je suis juste une fille qui ressemble à la princesse, mais si tu es à côté et que comme par hasard tu ressembles au prince, ça fera trop gros » Elle sait de quoi elle parle Yeji, elle s’y connaît tellement que ça en devient presque indécent. « Je suis sûr que le vert va très bien t’aller. Il faut une couleur assez fluo pour que les gens se disent : mais non, jamais le prince ne porterait ça » Elle justifie son choix douteux comme elle le peut, alors qu’en vrai elle a choisi le vert juste parce qu’elle rêve de voir son frère avec une telle couleur sur la tête. « T’en fais pas, c’est une perruque de bonne qualité ; aussi bonne que la mienne. Les gens pensent que ce sont mes vrais cheveux » En disant ça, elle montre du regard les habits et la perruque posés sur une chaise, préparés pour elle. « Pour le garde devant la porte, t’en fais pas, j’ai un complice prêt à nous aider. J’attends juste le dernier moment, parce qu’on est pas encore parti » Elle dit ça parce qu’elle sait que convaincre son frère de porter une perruque verte n’est pas si rapide – pour son plus grand malheur.

le surnom suffit à lui hérisser les poils. p e t i t f r è r e. mâchoire serrée et soupir ravalé ; l’envie de lui sauter au cou à chaque fois qu’elle laisse s’échapper ces deux mots parfaitement calculés. depuis l’enfance considéré comme son cadet, le plus fragile, le plus effacé. et peut-être que ça le vexe autant parce que c’est vrai.
si yeji est lionne sauvage qui se plait à transgresser, pousser les règles à leurs limites pour finalement les dépasser, yesun est le lionceau encore trop emmitouflé dans le confort du palais pour songer à s’en échapper.
il a essayé, il y a quelques jours. expérience qu’il s’est promis de ne jamais renouveler.
et puis dans son lit il s’est tourné et retourné, encore frustré de ne pas avoir apprécié cet avant-gout de liberté. alors les questions se sont mises à déferler...était-ce à cause du garçon qui l’accompagnait, ou bien le cadre qui l'entourant ? après tout, il s’était évadé de sa cage dorée sans vraiment y avoir réfléchit. décision impulsive et précipitée. il avait finit par suffoquer sur la piste de danse.
mais peut-être qu’avec yeji ce sera différent. il veut se redonner une chance.
il sait qu’il sera bien, avec elle. dans la sécurité d’être entouré de la personne qui le connait le mieux. la seule qui saura gérer ses angoisses, celle qui ne le jugera pas. ce soir il se sent confiant, prêt à réessayer.
mais si cela signifie sortir dans un tel accoutrement…il serait prêt à tourner les talons, faire demi-tour et rejoindre dans sa chambre. passer la nuit à lire. « tu comptes aussi me faire un maquillage de clown ? histoire de pousser le déguisement du joker jusqu’au bout… »
un nouveau coup d’oeil sur les cheveux synthétiques luisants à la lumière. une grimace. yeux vides, acceptant presque leur sort terrible. il secoue la tête. non, il ne peut pas céder à ce caprice, pas cette fois. « écoute. je vois ce que tu veux dire, ne te méprends pas. mais peut-être qu’il serait plus sage de rester sobre…? » il tente de l’amadouer. trouve des arguments pour faire changer d’avis (ouvrir les yeux sur l’idée bancale). « des cheveux verts seront beaucoup trop repérables dans une foule. ça risquerait d’attirer la curiosité, les gens seront intrigués, ça les obligera à nous regarder. » ça tient la route. ça a du sens. il se sent presque fier de ses réfutations. « honnêtement, une casquette et un masque ça m’irait très bien aussi, tu sais. » il ne semble pas comprendre qu’il s’agit là de l’occasion de s’émanciper. changer d’identité. créer un alter-égo qui peut-être ne perdra pas le contrôle entre les corps serrés…c’est toujours plus facile de jouer quelqu’un d’autre. il devrait pourtant le savoir.
le lion se retrouve presque vexé d’entendre qu’après des années, il n’est pas le seul complice de sa soeur fugueuse. pourtant le coeur tambourine à l’idée de ne plus être complice mais transgresseur. il plisse les yeux d’un air taquin en guise de réponse avant de croiser les bras, observer les bouts de tissu traînant sur le lit mal fait. « montre-moi ce que t’as prévu, niveau vestimentaire. histoire m’aider à me décider si oui ou non je retourne dans ma chambre ce soir. »

Face à la réponse de son frère, Yeji ne put réprimer un rire un peu plus long que prévu. L’image de Yesun déguisé en joker s’était incrusté dans son esprit et la tentait énormément. Elle paierait pour pouvoir un jour le déguiser en joker – enfin l’expression ne fonctionne peut-être pas aussi bien quand le porte monnaie est aussi plein. « C’est certain que si tu me laisses te le faire, personne ne va te reconnaître » Mais elle sait que c’est peine perdue, elle peut le convaincre pour la perruque verte à l’usure mais pas pour le maquillage du joker. C’est bien dommage d’ailleurs mais c’est pour ça qu’ils sont si différents – parce qu’il dit non là où elle dit oui.

Pour son plus grand malheur, les arguments de Yesun tiennent la route. Lèvre mordue et yeux levés au ciel. « Je suis désolée de te l’apprendre mais la Corée d’aujourd’hui ne se retourne pas aux moindres cheveux verts » En fait, son frère s’y connaît si peu dans le monde de la nuit qu’elle pourrait même lui faire croire que beaucoup de jeunes qui sortent ont les cheveux verts sans qu’il ne puisse la contredire. « Tu seras beaucoup plus suspect à porter une casquette et un masque en pleine soirée estivale qu’avec des cheveux verts. »

Pour le coup, ce n’est pas un mensonge – personne ne sort dans les rues bondées de jeune avec un masque, encore moins la nuit. Autant draguer avec une casquette, c’est faisable ; autant le faire avec un masque est beaucoup trop saugrenu pour que quelqu’un essaie – et par expérience, elle le sait, beaucoup de ceux qui sortent la nuit le font pour draguer. « Et même si ça n’attirait pas le regard de sortir avec un masque, dans tous les cas c’est non. Je ne te fais pas sortir pour que tu restes le Yesun coincé du palais, d’accord ? Joue le rôle du mec assez taré pour s’être teint les cheveux en vert, au début ça sera bizarre mais le rôle va vite se coller à ta peau. » C’est comme ça que ça a marché pour elle. Au début, elle a eu un petit peu de mal à s’intégrer au milieu de ceux qui semblaient totalement libérés, parce que si au sein de sa famille, c’est elle la plus libérée, en comparaison au reste du monde, elle reste bien coincée. C’est à force de jouer le rôle de celle qu’elle voulait devenir qu’elle l’est devenue – maintenant, min seo n’est plus un rôle, c’est une vraie part d’elle-même.

Elle s’approche du lit où elle a posé les vêtements avec un air taquin sur le visage. « Je n’ai rien prévu d’autre qu’un pantalon un peu déchiré et un t-shirt sobre. Je sais que la perruque verte est déjà un gros coup de folie pour toi, je voulais pas abuser en te mettant des habits trop poussés. » Elle dit ça comme si ça ne choquerait personne de voir Yesun dans des habits aussi sobres – alors que c’est justement leur sobriété qui étonnerait, enfants royaux toujours trop bien habillés dans leurs costumes cher payés.

regret immédiat d’avoir lancé le sujet et enfourné des idées dans le crâne de sa soeur…paradoxal quand le but premier est de ne pas attirer l’attention, halloween est passé depuis longtemps. yesun se demande si les gens seraient réellement surpris de voir débarquer une personne déguisée. lors de sa première escapade, personne ne semblait lui prêter aucune attention malgré son masque couvrant la moitié de son faciès. puis yeji reprend la parole et lui confirme qu’il ne connait rien du peuple, rien de la corée, rien de tout ce qu’il se passe en dehors du confort de sa prison dorée. ses idées sont ancrées en lui et il ne pourra s’en défaire qu’en allant directement sur le terrain : en côtoyant la population, s’emmêlant à eux, en découvrant une vie qu’il a longtemps imaginé sans jamais pouvoir toucher.
alors il ne peut rien faire d’autre qu’accepter son sort. yeji en connait plus que lui. yeji, elle connait la vie, la vraie, celle loin des murs du palais. il croise les bras et soupire, acceptant silencieusement son futur accoutrement. ce n’est que pour ce soir. pour les fois suivantes (si fois suivantes il y a), il finira par la supplier de changer pour une perruque moins colorée. « je ne sais pas vraiment si j’y arriverai. » souvenirs amers de sa première fois où il s’encourageait mentalement de changer de personnalité, mais une fois face aux faits il était redevenu lionceau de la nation. faible, perdu et apeuré. cette fois ce sera différent. yeji sera là. l’adrénaline pulse à la pensée. « mais je vais essayer. » il faudra trouver un nom, un prénom, une toute nouvelle identité. yesun n’existera plus dès lors qu’il mettra un pied hors du palais.
et il observe les vêtements posés là sur le lit en retenant un soupire de soulagement. elle le connait bien, sait qu’il ne faut pas trop le pousser. il se sent déjà accablé par la soirée qui l’attend, il n’a pas envie de la passer à se demander s’il a l’air bête dans ses accoutrements. s’installant au bord du lit, il observe quelques instants son déguisement…se met à sourire doucement, discrètement en s’imaginant enfin vivre ce que sa soeur vit depuis tellement d’années à présent. puis soudaine réalisation. « je viens de penser… » il commence lentement, voix basse, pensif. « le mec assez taré pour se teindre les cheveux en vert devrait avoir un nom. » il ne pourra pas se présenter en tant que yesun, bien qu’il se doute qu’un jour ou l’autre, le prénom glissera de ses lèvres par mégarde. « et une histoire aussi. tu ne pourras pas me présenter aux autres comme ton frère. » l’excitation rugie. les possibilités d’être qui il désire, qui il rêve d’être. se détacher de sa propre personne le temps d’une soirée. « te connaissant, je suis sûr que t'as déjà réécrit ma vie de a à z...par contre je me réserve le droit de refuser si tu pars trop loin. »  

Quand son frère souligne ses doutes quant à l’idée d’y arriver, elle le regarde silencieusement pendant quelques secondes. Quel triste destin de se penser incapable de vivre une vie normale même pour quelques heures. Yeji était jeune à l’époque, elle ne s’est pas posé autant de questions. Elle ne s’est pas demandé si elle en serait capable ou non. Elle a foncé, fuit ces murs qui l’étouffaient tant. Mais Yesun, ça fait plus longtemps qu’il est enfermé. Plus longtemps qu’il est soumis aux règles. Alors sauter le pas est forcément plus difficile. « Bien sûr que tu vas y arriver, c’est à la portée de tout le monde. C’est vrai que commencer tout seul, ce n’est pas forcément évident, surtout que tu n’es pas de nature à aimer tout ça. Mais là, tu n’es pas tout seul. » Elle le regarde droit dans les yeux en disant ça. « Crois-moi, une fois que tu t’y seras fait, jouer le rôle du prince parfait sera bien plus dur. » Elle sourit en disant ça.

C’est justement parce qu’elle le connaît si bien qu’elle n’a pas pris d’habits trop extravagants. Elle est restée simple, pour ne pas qu’il se braque avant même de commencer. En fait, elle ne lui dira jamais, mais elle a même prévu une autre perruque, blonde, s’il refuse de mettre la verte jusqu’au bout. « Effectivement, il lui faut un nom. » Elle a un grand sourire plein de fierté, comme celui d’une maîtresse ravie d’apprendre que son élève a compris la consigne d’un exercice. Exactement comme il l’a prévu, Yeji a déjà réfléchi à tout, ravie de pouvoir amener son frère dehors sous une autre identité. Elle est encore joyeuse de voir qu’il se prête à l’excitation du jeu. « Je n’ai pas réécrit tout, je te laisse la liberté d’adapter les choses comme tu le sens. Tu sais mieux que moi quel type de rôle tu peux bien jouer. » Elle n’est pas peu fière d’avoir résisté à la tentation de tout écrire. « Déjà, pour le prénom, j’ai pensé à Haru. Ça te va bien, je trouve, et puis ça n’a rien avoir, ni avec minseo, ni avec yeji, ni avec yesun. Je pense qu’on pourra dire qu’on est des amis d’enfance, plutôt que des frères et sœurs. Comme ça, notre complicité ne paraîtra pas suspecte. Ah ! Et pour justifier que tu aies l’air paumé au milieu de tout ça, je me dis qu’on pourrait dire que t’es pas d’ici. Soit tu viens d’une autre ville, soit carrément d’un autre pays – le Japon, par exemple, parce que haru c’est aussi un prénom japonais. » Elle énonce les possibilités pour lui permettre de choisir ce qu’il préfère.

il n’est pas tout seul. et ces simples mots lui donnent le courage nécéssaire pour affronter la nuit qui l’attend.
n’est-ce pas ironique ? a f f r o n t e r. comme si ce n’était rien d’autre qu’une torture qu'il s’inflige gratuitement, sans raison. yesun qui se déteste tellement qu'il rêve d’être une personne qu’il n'est pas (qu’il ne sera jamais); masque posé sur le visage et pourtant il n’arrive pas à jouer la comédie. il a déjà essayé.
sauf que cette fois, c'est différent. cette fois, il n'est pas tout seul. « je n’y crois pas trop. être parfait est dans ma nature, après tout. » malgré l'anxiété il réussi à placer une touche d'humour entre deux mauvaises pensées.
et il aurait préféré que yeji réécrive toute sa vie, parce qu’il n'est pas sûr de pouvoir le faire tout seul. comment se comportent les gens normaux ? ceux qui ne se font pas appeler «  votre altesse   », ceux à qui on ne parle pas avec le plus haut niveau d’honorifique malgré la différence d’âge, ceux qui n’ont pas à être parfaits toujours, sans cesse. réussira-t-il réellement à se fondre dans leur masse, dans leur peau ?
il l’écoute attentivement, tente d’imaginer sa nouvelle vie, le haru qui prend vie à chaque phrase de sa soeur. il acquiesce pour tout, la suit aveuglement. tente d’imaginer sa personnalité…mais il ne sait pas être autre chose que ce qu’il est (sait-il même qui il est réellement ?) un sourire amusé dessine ses lèvres. « tu dis que tu n’as pas tout écrit, mais pourtant ça fait déjà beaucoup. » il ne se plaint pas. il manque d'imagination pour ces choses-là, n’aurait jamais trouvé la moitié de ce que sa soeur vient de déballer. « mais ça me va. j’aime bien. je pourrais dire que je viens du japon, mais j’ai déménagé à séoul quand j’étais enfant. et c’est à ce moment-là qu'on s’est rencontrés. en plus j'ai toujours eu un bon accent japonais. » il rajoute sa propre touche, l’alter-ego prend lentement vie en lui. « par contre, niveau personnalité je ne sais pas vraiment comment le jouer. je ne suis même pas sûr d’être capable de le faire. » et il doute encore, toujours. le physique pourrait crier haru, il n’arrivera jamais à se détacher de yesun, ne sait pas comment fonctionner autrement.
il attrape la perruque devant lui, l’observe de longues secondes avant de grimacer, soupirer. relève la tête vers sa soeur d'un air accablé. « je suis vraiment obligé…? t’en as pas une blonde, comme la tienne ? » il a toujours du mal avec trop d’excentricité mais il fait confiance à sa soeur plus qu’à n'importe qui d’autre. il sait qu’elle a de l’expérience, et si elle affirme que ces cheveux seront parfaits, alors ils le seront.
il se lève, se dirige vers la coiffeuse de sa soeur pour s'observer dans le miroir en plaçant grossièrement la perruque sur sa tête. s’observe un moment avant serrer la mâchoire. « qu’est-ce que je ferai pas par amour…»

L’angoisse de ne pas arriver à se décrocher de son personnage de prince dont Yesun fait preuve, elle ne la connaît pas. Elle ne l’a jamais ressenti et n’a jamais imaginé la ressentir. Pour elle, ça a toujours été évident qu’elle n’était pas la princesse parfaite qu’elle prétendait être.
Mais cela semble bien moins évident pour son frère. Ca n’est pas surprenant en soit. Il est plus effacé qu’elle et elle dirait même qu’il manque de confiance en lui. Face à la plaisanterie de son jumeau, elle se met à rire.
« Tu n’as qu’à devenir un jeune homme lambda parfait plutôt qu’un prince parfait. »
Et cela semble être une simple réponse à sa vanne, mais elle ne dit pas ça pour rien. Elle veut lui montrer qu’elle ne lui demande pas de devenir ce qu’il n’est pas, de changer du tout au tout. Juste de savoir enlever son masque.
« Mh... C’est vrai, j’avoue. J’ai pris plaisir à reconstruire ta vie. » confie t-elle avec un sourire. « Je me rappelle m’être beaucoup amusée à construire la vie de Minseo aussi, à l’époque. J’aurais aimé que tu ressentes la même chose en construisant ton nouveau toi de A à Z mais je me suis dit que l’idée allait plus t’angoisser que t’amuser. » Elle hausse les épaules en disant ça. Elle ne peut pas dire qu’elle comprend pourquoi, mais elle comprend son frère.
Étonnement, il ne contredit aucune des propositions. Mieux encore, il étoffe l’idée naturellement, sans même peut-être s’en apercevoir, et un sourire fier naît que les lèvres de Yeji. « Tu vois, tu n’es pas si différent de moi finalement. Il faut juste t’aider pour le premier pas. »
Mais de suite après, il lui confie de nouveau ses craintes. « Ecoute, Yesun, je ne dis pas que tu dois changer complètement. Tu as le droit d’avoir l’air perdu, de ne pas savoir comment agir. C’est précisément pour que tu te permettes ça que je t’ai proposé de dire que tu viens d’ailleurs. Ne te mets pas trop la pression. Les choses ne se passent jamais exactement comme tu les imagines, alors le mieux c’est d’improviser. Et je te l’ai déjà dit, si vraiment tu n’y arrives pas, je suis là. Je vais pas te laisser patauger tout seul, fais-moi confiance. D’accord ? » Elle lui sourit de nouveau. « Garde en tête que tu es très bien comme tu es. Ce n’est pas toi qui dois changer, tu dois juste oublier ton rôle de prince une soirée et adapter ton caractère à des situations que tu ne connais pas. »
Elle ne veut pas que son frère change, qu’il devienne ce qu’il n’est pas, qu’il joue un rôle qui ne aille pas. Elle l’aime tel qu’il est. Elle l’adore tel qu’il est.
Un haussement d’épaule innocent est la seule réponse que Yeji offre à la réclamation d’une perruque blonde de la part de Yesun. Elle éclate de rire quand il met la perruque verte et qu’il tourne la tête vers elle.
« Je veux bien céder pour la perruque blonde uniquement si tu m’autorises à prendre une photo de toi avec cette perruque verte. Il faut immortaliser cette apparence. » Elle le regarde avec des yeux rieurs. Elle se moque un peu, c’est vrai, mais c’est bon enfant : elle n’a jamais imaginé qu’un jour elle verrait ça.