il se rend compte qu’obtenir des réponses du prince est plus compliqué, ce qui est étonnant. pour lui, tout les gens en haut aiment parler d’eux, aiment se montrer et déclarer leur existence à qui veut l’entendre. il ne sait pas s’il apprécie sa manière de rester si secret, au contraire de lui qui parle et parle, qui lui donne envie de chercher à en savoir plus, ou si ça lui fait perdre la tête de savoir que tout est enfoui et qu’il faut creuser encore et encore.
alors évidemment qu’il lui retourne la question, ce n’est pas la première fois qu’on lui pose des questions sur sa famille. il se souvient son employeur, et lui avoir menti, lui dire que tout allait bien, jusqu’à ce qu’il faille avouer pourquoi il dormait sur le canapé en salle de repos. il se souvient sourire faussement en entendant des compliments si doux, tes parents peuvent être fiers de toi et d’autres bêtises insouciantes. il est préparé malgré toujours le noeud se créant au fond de sa gorge, l’envie de partir, et il y a toujours un moment où il pose les pours et les contres avant de mentir ou dire la vérité. « i have a big brother and a little sister » simple, rationnel. ils existent. et lui n’existe plus dans le cercle familial. il ne lui dira pas qu’ils lui manquent, qu’il ignore les sms. saem ne sait pas pourquoi pour une fois il hésite, il pourrait lui dire qu’il vit seul sans ajouter de détail, mais ça ne serait pas totalement lui. et cette situation, c’est du passé, il est supposé avoir fait son deuil, ça ne l’atteint pas. « i’ve been living on my own for some times now, it’s going to be almost three years now » il est fort, c’est une de ses meilleures décisions. ou une des pires. et même s’il les as quitté, il ne s’est jamais senti seul (parfois, dans son lit, il peut entendre à nouveau les pas dans la maison en fermant les yeux). est-ce qu’il les as quitté ou est-ce que c’est eux qui l’ont quitté ? il ne veut pas le rendre inconfortable avec la rancoeur traînant, même s’il paraît détaché, loin, alors que le positif, « it was so weird at first, having to make my own meals and just, you know, regular boring stuff. » mais pas si étrange pour un gamin ayant vécu souvent seul, « but anyways, the best thing about living alone is that i can cook ramens at midnight » et jouer de la guitare en ne se souciant des voisins, et respirer, et vivre.    

la nourriture est finie ; ses doigts graisseux délicatement essuyés contre la serviette rugueuse, il prend soin de l’enrouler et la garder dans la paume de sa main. écoute les récits de saem d’une oreille attentive…l’enfant du milieu. on dit souvent qu’il s’agit de l’enfant oublié, l’enfant égaré. pas respecté comme l’aîné, pas chouchouté comme le dernier. il doit obéir au plus grand, s’occuper du plus petit. souvent, il ne se sent pas à sa place ; l’impression d’être de trop. il se demande souvent si c’est ce que yebin ressent ; et maintenant il est curieux de savoir si saem aussi.
Le prince est étonné de l’entendre dire qu’il vit seul depuis des années - de longues années, nombreuses. beaucoup de questions menacent de franchir le seuil de ses lèvres salées, mais il est trop poli pour le couper, les note dans un coin de sa tête en compagnie des milliers qu’il ne posera jamais.
et en même temps, ça lui semble être une évidence. on peut le lire partout en lui, le gamin a besoin de liberté, déteste avoir des chaînes aux pieds ; défie toute autorité…mais pourtant, il devait avoir une raison d’être parti si jeune. un sourire écorche ses lèvres et sa tête se tourne vers lui. « yes, it sounds pretty cool. you could bake a whole cake at midnight, no one would be here to say a thing. or even play video games all night.  » et techniquement, lui aussi pourrait le faire, s’il voulait. il s’attirerait seulement les foudres des employés de nuit qui devront nettoyer derrière lui. « but you left home pretty young…if you are going to be twenty soon, you must have been about sixteen or seventeen when you left, right ? » curiosité mal placée, mais pourtant innocente. il ne veut pas de mal en posant ces questions - juste le connaître un peu mieux. espérer le cerner. « what made you leave so soon ? » il aimerait, lui aussi, pouvoir s’échapper du palais, vivre seul dans une maison trop grande, sans personnel qui le suit partout, sans gardes et la vue perpétuelle des pistolets. « sorry, maybe it’s too personal. you don’t have to answer it. » et il a beaucoup de questions personnelles qu’il voudrait lui poser. saem livre ouvert mais pages blanches. il rêverait s’en faire apparaître les écritures et le lire jusqu’à qu’il soit mémorisé. « it's getting late, anyway. »

« wow, exactly,» il sourit, parfois trop évident, « like exactly, exactly » et l'impression qu'il le connaît déjà mais en même temps il sait qu’il y a tant à découvrir, qu’il ne doit pas avoir de sens : GPS mais les routes ont changé entre temps, pas de mise à jour, on le secoue et ça n’a pas plus de sens. « i’m not gonna say i was young because it was really not that much long ago, but the firsts months when i finally had my own apartment and money was.. when things finally were easier, i did that for days. video games at night, coming to work like a zombie, and then sometimes we had rehearsals, and then i’d crash and wake up in the middle of the night to eat some cake » et il le refait encore, il est encore jeune.
et il s’étonne de remarquer que yesun l’écoute vraiment, n’a décidément pas oublié son âge mais en plus en tire des conclusions. haut-le-coeur, il ne sait pas s’il préférerait qu’il ne l’écoute pas complètement. mais c’est étrange, il a le sentiment que même le prince si éloigné des réalités et si proche des idées reçues, il a le sentiment qu’il continuerait de l’écouter sans (trop) le juger. c’est dans sa tête. il aime bien l’idée qu’il l’intéresse au moins un peu, même si en fermant les yeux, de mauvais souvenirs se battent pour ressurgir. d’entendre encore des voix du passé, de ne pas pouvoir oublier les visages et les mots, les mots toujours blessants. il ne rend pas souvent visite à ces souvenirs, ils ne changent pas avec le temps. « i was officially seventeen and one day old, right » il vaut mieux penser au présent, à l’avenir. il sent venir l’innocence curieuse qui ne loupe pas.
longuement yesun est regardé, peut-être un peu trop, il entend ses excuses « a lot of things happened… and not much at all » il lui racontera et yesun le verra uniquement comme un enfant pourri, qui aurait pu faire des efforts, respecter des parents qui ne l’ont jamais respecté. alors il se lève et dépoussière le sable s’accrochant à ses propres vêtements, détache les cendres de sa mémoire « i’m not gonna bring the mood down tonight, so that’s really a story for another time » tendant la main pour l’aider à se lever. une excuse pour se revoir, il pourrait en trouver d’autres. « yeah, i don’t want to end in jail for taking too much of your time, your highness » et est-ce que yesun déteste plus quand saem l’appelle avec la politesse de son rang ou par des surnoms plus doux ? il n’y a pas d’amertume dans ses mots cette fois pourtant. il n'est pas vexé, vraiment. et n'admettra pas vouloir qu'il choisisse une option plutôt qu'une autre « hmm, do you want me to drive you back or are you going back to your fancy black car driver ? »

pointe de jalousie au fond du coeur en écoutant ses courts récits. lui aussi aimerait être jeune et seulement ça. jouer aux jeux vidéos toute la nuit sans réellement se soucier des responsabilités du lendemain, s’infiltrer dans la cuisine, manger un gateau entier pour soi-même.
il peut le faire, oui. il a des consoles de jeux et une télé dans sa chambre. des cuisines toujours remplies, toujours peuplées. mais il y aura toujours quelqu'un pour le juger, pour doucement le rappeler à l’ordre en lui murmurant que ce qu'il fait n’est pas princier.
et certes il a voulu se montrer poli et ne pas trop s'immiscer dans la vie et les souvenirs de saem, mais la curiosité le prend maintenant à la gorge. peut-être que le gamin n'est pas si heureux qu'il ne le laisse penser.
peut-être qu'ils sont tous les deux plus semblables qu'il n'y paraît. il veut maintenant gratter à la surface, découvrir ce que cache réellement son coeur. sous ses airs d'impertinence et de fausse rebellion.
il le découvrira un jour. une histoire pour une prochaine fois. ça le ferait sourire si seulement il ne se retenait pas. il y aura une prochaine fois.
à chaque fois qu'il pense en avoir fini avec lui, il revient plus fort, plus tenace.
et à chaque fois yesun est moins agacé par sa présence. le jeu commence à devenir dangereux.
il attrape sa main et se relève, le remercie d'une voix presque inaudible en enlevant les grains de sable sur son pantalon. serre les dents une fois de plus au ' surnom ' qui devrait sonner normal, qu'il entend jour et nuit, mais qui n'a jamais l'air naturel hors des lèvres de saem. il ne fait pas de commentaires, se contente de secouer la tête.
la tête relevée vers la voiture là-haut perchée, encore et toujours, kibeom aux aguets prêt à intervenir au moindre geste déplacé. yesun soupire. il voudrait retourner sur le scooter, juste une dernière fois, mais sa conscience lui hurle qu'il s'agit d'une mauvaise idée. alors il commence à se diriger vers les escaliers qui les ramènera sur la terre ferme, s'attend à ce que saem le suive. " oh, no, it's okay. you'd have to go all the way across town twice. " il l'a déjà fait une fois, yesun n'a pas envie qu'il le refasse. traverser la ville pour le déposer chez lui. puis traverser la ville pour rentrer. non, il ne veut pas le déranger. " i took way too much of your time already tonight. " pas tout le monde a la chance d'avoir un chauffeur personnel. son altesse devrait en profiter. " thank you, by the way. that was nice. " et il voudrait lui dire qu'il ne pourra plus le refaire. lui dire qu'il voudrait le refaire. lui dire de ne plus le contacter, ça ne servirait à rien. mais aussi lui demander de lui envoyer un message lorsqu'il sera rentré chez lui sain et sauf. " i hope you won't be too tired tomorrow. "

il le suit, il se doute de sa réponse. « i don’t mind you know, if i’ve done it once i can do it again » il sait qu’il va refuser. c’est si facile de refuser, mais au moins, il lui aura proposé. il n’est plus à ça près, ne compte pas les kilomètres au compteur, après tout ce n’est pas son scooter mais celui de son voisin. et tant qu’il fonctionne, il ne s’en achètera pas un. il ne compte pas non plus les secondes, minutes échangées, et celles qui restent à avoir, qui s’échappent au vol. mais saem s’en veut d’être légèrement trop piquant sur les bords, parce qu’il a apprécié cette soirée. et qu’à force, il a le sentiment que yesun ne se force pas à dire ce qu’il ne veut pas dire, malgré les politesses forcées, qu’il n’y a personne autour d’eux pour le réprimander s’il ne le remercie pas, s’il ne trouvait pas cela réellement agréable il aurait pu rester silencieux. ou partir sans un mot. et ce que le chanteur lui a dit au début semble un peu plus vrai : qu’il est réellement content qu’il se soit décidé de venir.
malgré / à cause. « yeah, it was » parce qu’il l’a déjà remercié. s’il le remercie trop, il s’y habituera, et ça serait une mauvaise pente à prendre, bien sûr.  il sourit, se demande si le soleil ne tardera pas à se lever, s’il vaudrait mieux ne pas dormir du tout. « won’t happen, ’m never tired. i hope you wont catch a cold though » et prend soin de toi, ta santé est plus importante. « but i’m sure you’d be cute even with a red nose. which is unfair to the rest of us, really »  lui, les voix presque cassées, il trouverait que ça rajoute du charme. ce qui est horrible, qu’il serait presque à se mettre à fumer juste pour voir l’effet que ça donnerait sur sa voix. de mauvaises idées. et il faut se dire au revoir, et il sait qu’il doit retourner à son chauffeur qui doit observer, et saem chaque fois qu’il dit au revoir il a tendance à ne pas aimer les au revoir. il ne se verrait pas lui serrer la main, ils sont trop jeune pour ce genre de gestes sans sens, et alors s’incliner n’est malheureusement pas intégré dans son comportement, et réfléchir trop, ça lui prend la tête. gravir les marches. il s’étire pour chasser toute trace d’endormissement, il va devoir conduire à nouveau après tout, et finit par poser une main sur son épaule « hit me up if you want to go out in the middle of the night again. goodnight yesun » généralement, il prend dans ses bras ses amis, généralement il ne se pose pas un millier de question. de se diriger vers son scooter, d’enfiler son casque, de devoir rentrer seul mais un sourire collé au visage.